Tapis d'Orient (Derek)

Mais qu’est-ce qu’il pouvait bien fiche ici ?! Une expo de tapisserie orientale, et quoi encore ? Cela résumait bien sa pensée du moment. Derek Jackowski avait rendez-vous avec un éditeur, qui tardait sérieusement à ce pointer, et il commençait vraiment à trouver le temps long. C’est qu’il en avait rien à ciré lui, des tapis, orientaux ou pas ! De plus, il ne collait pas à l’ambiance bcbg de cette exposition qui tenait plus d’une réception mondaine que d’un vulgaire étalage de carpettes. Alors forcément, il s’était rabattu sur le bar… Pas non plus de façon excessive : il fallait qu’il puisse tout de même aligner trois mots devant cet éditeur, si toute fois cet olibrius daignait se montrer.

#N’empêche que s’il tarde trop je ne serais bientôt plus en état de tenir une conversation intelligible.#

Soudain, un type aux cheveux rouges pétants, vêtu d’une espèce de treillis, fit son entrée dans la salle. Jack remarqua tout de suite le flingue qu’il portait à la ceinture, puis avisa ce nouveau venu d’un air assez amusé. (Il commençait à être à un stade où l’on est facilement amusé de ce que l’on voit, que cela soit réellement amusant ou pas.)

#J’savais qu’il y avait des flics qui se prenaient pour des cowboys, mais à ce point là…#

Il se saisit d’un autre verre de champagne, et en bu une gorgée, tout en continuant d’observer cet atypique personnage.

#N’empêche, j’me demande bien ce qu’un keuf peut faire dans les parages ? A supposer que c’en soit bien un… Est-il en service ?#

L’homme aux cheveux rouges s’approcha du bar et se servit une coupe ainsi que des petits fours. Le dessinateur souri de plus belle : Si lui-même ne collait pas à l’ambiance, alors ce nouvel arrivant encore moins ! Malgré cela, il paraissait tout à fait prendre ses aises.

#Pas très pro de s’en jeter un derrière la cravate quand on est en service… Enfin, il m’a plutôt l’air d’un original celui-là. Quoique les apparences sont parfois trompeuses… L’autre maniaque qui se prend pour la main de la justice, il a l’air plutôt sérieux, pourtant il est complètement frappa-dingue…# Continua-t-il de penser.

Il détourna son regard du jeune homme, et comprit, en jetant un rapide coup d’œil autours de lui, qu’il n’était pas le seul à le dévisager.

« Cette exposition attire décidément toute sorte de faune… N’est-ce-pas Fabrice ? »

Une femme venait de s’adresser à son compagnon, mais assez fort pour attirer l’attention sur elle. C’était le genre de femme plutôt aisée, blonde décolorée, maquillée à outrance, la quarantaine mais qui s’efforçait de paraître moins, moulée dans une sublime robe noire dont le prix devait être scandaleusement élevé. Elle poursuivit, à voix haute, sur le même ton à la fois méprisant et moqueur.
« À croire que même la racaille pourrait apprécier toute la finesse de ces sublimes ouvrages de l’époque Meiji ? À moins qu’ils ne soient là que pour se restaurer à l’œil ! »

Jack soupira et leva les yeux au ciel. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre…

« Je vous prierai d’excuser mon insolence mais il me semble si vous voulez briller en société en déblatérant des banalités culturelles, tout en restant, je dois l’admettre, un peu vague, il faut dire que ces tapis ont été conçus durant la dynastie Qing. Etant donné qu’il s’agit là de « tapis orientaux du 18ème », et non pas du 19 ou 20ème puisque l’ère Meiji débute en 1868 et s’achève vers 1912… De plus se sont des pièces importées de Chine, il n’y a donc pas grand intérêt à citer l’ère Meiji qui n’a de signification que pour l’histoire du Japon. » Lança-t-il calmement à l’adresse de l’arrogante mégère.

« Qui est cet… énergumène ?» Marmonna la dame, qui n’avait apparemment pas apprécié qu’un impertinent, d’une condition visiblement inferieur à la sienne, se permette de l’humilier de la sorte en lui donnant un pseudo-cours d’histoire-géographie.

Non content de voir que l’on manquait de respect à sa compagne, le dénommé Fabrice, sorte de playboy grotesque d’une quinzaine d’années de moins qu’elle, s’interposa, à mi-chemin entre menace et dédain :

« Laissez très chère… Je crois que notre ami a un peu forcé sur le champagne, et qu’il va maintenant retourner tranquillement chez lui. »

La réponse de l’intéressé ne se fit pas attendre :

«L’énergumène se nomme M. Jackowski. Nous ne sommes pas amis à ce-que-je-sache. Apprenez néanmoins que je n’ai pas l’intention de quitter cet endroit, et croyez-moi, ce n’est pas parce que votre compagnie m’est agréable. Oh. Je suis loin d’être un connaisseur, et les tapis ne m’intéressent pas le moins du monde. Ceci-dit, madame… Avant de critiquer la faune de barbares incultes qui infeste les lieux ; N’oubliez pas de lire les petites inscriptions à côté des œuvres de cette expo. Ça vous évitera de dire des âneries, et de vous ridiculiser devant votre gigolo… »

Là, il y était peut-être allé un peu fort.

#Je crois que je devrai arrêter de boire pour aujourd’hui…#

D’accord, cette femme était insupportable et à défaut de pouvoir la tuer, il s’était fait un plaisir de la rabaisser ; cependant il n’avait pas vraiment envi d'assister à une crise d’hystérie, ni d’en venir aux mains avec son bellâtre en smoking. Pourtant, il sentait bien que si personne n’intervenait pour calmer le jeu, tout cela allait finir en esclandre.

[ hj : je poursuis le truc en faisant réagir la femme, si ça te dérange pas ^^ ]

Riggs entendit bien la remarque déplaisante de la bourgeoise, et vit que son regard méprisant était posé sur lui. Il n'y réagit pas, habitué à ce genre de moqueries... Il n'était pas là pour se faire remarquer, en tout cas certainement pas pour provoquer d'esclandres. Cela dit un autre s'en chargea pour lui, un quarantenaire qui n'allait pas non plus avec ce genre de réception, et qui pourtant avait une bonne répartie. Il rabattit le caquet à la femme, mais alla un peu loin dans ses insinuations. Lorsqu'il traita son compagnon de gigolo, la femme poussa une exclamation outrée, puis lui jeta son verre de champagne à la figure. Riggs se leva alors et se dirigea vers le petit groupe, prêt à intervenir au besoin. Besoin qui ne tarda pas à se faire ressentir, car le "gigolo" fit un bond en avant, dans l'intention de frapper l'homme qui l'avait insulté. Deux hommes se précipitèrent alors pour l'enserrer et l'empêcher de provoquer une bagarre. L'un des deux était Riggs, qui lui tenait fortement le bras, et l'épaule.

Messieurs... S'il vous plaît, veuillez éviter de vous battre ici, ce n'est pas vraiment le lieu approprié.

L'homme se débattait pour se dégager de l'étreinte qui l'empêchait de bondir sur l'autre, alors Riggs haussa un peu le ton, et perdit un peu ses manières.

Calme-toi toi !

Puis il s'adressa à l'autre, le quarantenaire, en le regardant par-dessus l'épaule de l'homme qu'il tenait (ce qui l'obligeait à se mettre sur la pointe des pieds car il était plus petit que lui) :

Et vous, adressez-lui des excuses, avant que ça ne tourne mal !

Quant au service de sécurité assigné à la réception, il avait été appelé, et deux hommes typés gardes du corps au niveau de la carrure se dirigeaient vers le petit groupe.

[hrp :Bonne initiative ! Et ça ne me dérange pas du tout. Au contraire… ]

#Et m****! Nan, mais dites-moi qu’ c’est pas vrai… ?!#

Sur le moment, il dû vraiment prendre sur lui pour ne pas cogner cette grognasse qui venait de lui dégueulasser le seul complet à peu près présentable de sa garde-robe. Jack resta figé, le bas du visage ruisselant de champagne, regardant d’un air incrédule la tache qui trempait le haut de sa chemise.
Autant dire que si les "forces de l’ordre" n’étaient arrivées à temps, il se serrait certainement pris en pleine poire le directe que le dit gigolo s’apprêtait à lui expédier. Sûrement qu’après ça il aurait répliqué aussi durement et lui aurait rendu la monnaie de sa pièce, mais à quel prix ?
On avait de justesse évité la catastrophe.
Tout en s’efforçant de rester le plus digne possible, il sortit un mouchoir de sa poche et essuya brièvement le liquide. Le voilà qui était parfumé au champagne ! La classe totale quoi…
Et dire qu’il avait fait l’effort de mettre une tenue un peu plus clean afin de paraître sous son meilleur jour pour l’entretient. En parlant d’entretient… Heureusement pour lui, l’éditeur n’avait toujours pas montré signe de vie.
Quand le gars à la tignasse rouge, qu’il avait identifié comme flic, lui intima de présenter des excuses auprès de l’homme qu’il venait d’insulter, l’irrévérencieux quadragénaire haussa les épaules.

« Vous savez, je n’pense pas que c’est ça qui va le calmer.»

Jack’ ricana légèrement, d’un rire certes un peu jaune, avant de se résoudre à lâcher un simple :

« Ok… Toutes mes excuses. »

Sans plus de conviction. Ce qui eut bien sûr, pour effet, d’irriter d’avantage la compagne de l’offensé. Cette dernière hurlait à s’arracher les cordes vocales, dans une hystérie qui laissait à présager qu’ il faudrait bientôt des hommes pour la maîtriser elle aussi.

« Vous êtes un grossier personnage ! Monsieur Jakwaski… Je vous retiens ! Avec un nom pareil ça ne sera pas difficile. »

À entendre son nom écorché de la sorte, Jack’ ne put s’empêcher de grimacer comme si on lui avait percé les tympans, et de corriger instamment :

« JackOwski ! C’est un nom polonais. Madame. »

« Oui… je m’en doute bien… on voit ça. » Répliqua la femme, tout en portant son regard méprisant sur le verre qu’il tenait encore dans sa main droite.

Ça c’était le comble du comble : Alors, parce qu’il était polonais, forcément il était un rustre alcoolique ! Bon, d’accord, il était alcoolique, mais en réalité, il n’était même pas polonais. Sa mère l’avait été avant de devenir australienne, et lui-même était Australien d’origine.

« Et raciste, avec ça… Sachez que je suis français comme vous, madame.» grommela-t-il.

Ne cherchant pas à attiser d’avantage la haine de cette harpie (si toutefois cela était encore possible), il préféra ne rien ajouter de plus. Hormis le fait de l’avoir rendu un peu ridicule, la boisson qu’il venait de recevoir à la figure le faisait se sentir poisseux, et cet effet était des plus désagréable.

« Bien. Si vous ne voyez pas d’inconvénient, je vais faire un tour par les waters, histoire de me… hum… "rafraîchir" un peu. »

Aussitôt dit aussitôt fait, après avoir pris sa fidèle canne et son carton à dessin qui reposaient sur un siège voisin, le "polonais" tourna le dos au couple d’agités qui continuaient à se démener furieusement, et fit mine de se diriger vers les toilettes. Rien ne sert de préciser qu’il était dans une humeur tout à fait exécrable.


[Hrp: Il est insuportable... T’as le droit de le frapper ou de le faire frapper par un autre perso si tu veux. x) ]

Tandis que la source du conflit s'éloignait pour aller se nettoyer, Riggs était toujours occupé à lutter contre le couple d'hystériques. Il tenait toujours fermement l'homme, tandis que le service de sécurité arrivait, demandant ce qu'il s'était passé.
La femme recommença alors à hurler, expliquant qu'elle et son mari avaient été insultés par un ivrogne d'étranger, que c'était inadmissible en un lieu pareil, que dans son milieu ça n'aurait jamais été permis... ce genre de choses.
N'y tenant plus, Riggs lâcha le mari, qui lui ne disait plus rien, et se tourna vers la femme.

Nan mais faut vous calmer hein ? Il s'est excusé je vous signale, et c'est vous qui l'avez insulté en premier.

Et la femme repartit de plus belle.

Comment osez-vous ? Qui êtes-vous donc pour me parler sur ce ton ?
- Oh ça va, s'il faut être bourgeois pour avoir le droit de se comporter comme la pétasse que vous êtes...

Elle se jeta sur lui, s'assénant de coups de sacs à main, tandis que son mari, devant prendre la défense de son épouse, cherchait lui aussi à lui rentrer dans le lard.
Lui qui était venu pour passer une après-midi tranquille, c'était râpé. Ca lui apprendrait à se mêler de ce qui ne le concernait pas. Après une petite bagarre, stoppée fort heureusement par les types de la sécurité, le couple se fit gentiment accompagner vers la sortie. On demanda à Riggs d'en faire autant, mais après un rapide et discret entretien avec les agents de sécurité, où il leur expliqua ce qu'il était et pourquoi il était ici, ils le laissèrent rester.

Ce fut son tour de se diriger vers les toilettes, pour éponger son tee-shirt en sang, à cause d'un coup de poing bien placé qui lui avait ouvert la lèvre...

Up ?

[HRP // Vraiment désolé… j'ai du pas mal m'absenter du coup j’avais complètement zappé...//]

Nettoyant à grande-eau sa chemise souillée de champagne, torse nu, l’hybride grommelait des injures incompréhensibles devant un lavabo. Une fois la chemise propre mais deux fois plus trempée qu’elle ne l’était, son regard se posa sur le sèche-mains automatique. Alors qu’il entreprenait de faire sécher son vêtement, son odorat aiguisé détecta une odeur bien connue qui ne cessait de se rapprocher.

#Tiens… ça saigne, et ça vient par ici…#

C’était le jeune policier aux cheveux rouges qui poussa la porte des sanitaires, la lèvre en sang, et passa devant lui. Jack le regarda un instant, silencieux, puis quand l’assourdissant bruit de soufflerie du séchoir cessa, simplement il dit :

« Vous… vous êtes battu ? »

Question idiote. Bien sûr que oui, le flic s’était battu, et par sa faute ! De plus, même des waters où il se trouvait, son ouïe fine avait su capter les propos pour le moins virulents échangés lors de la suite de l’altercation, ainsi que les bruits de la bagarre qui s'en suivit.
Tout en revêtant sa chemise encore un peu humide, il ajouta :

« On dirait que c’est plutôt à vous que j’ devrai des excuses, monsieur…»

Le polonais expliqua qu'il était aussi ici pour rencontrer quelqu'un. Décidément, les expositions de tapis orientaux semblaient être un lieu propice aux rendez-vous professionnels, allez savoir pourquoi.
Riggs s'observa une dernière fois dans le miroir. Bon, ça aurait pu être pire.

Ouais... espérons que nos rencontres de ce soir n'aient pas assisté à notre petite scène. Putain d'impulsivité...

Son collègue de bagarre d'un soir lui souhaita alors bonne chance pour la suite et lui promis de ne plus occasionner d'autres troubles pour la soirée. Riggs sourit, et lui répondit :

Sage décision.

Mais le temps qu'il se retourne vers lui, et il était déjà parti. Le flic soupira.

Tâchons d'en faire de même...

Puis il retourna à son tour dans la salle de réception, et ne revit pas l'autre homme de la soirée.


[ sujet fini ! ]