Cuite, Vodka & Russie... [ Nadja ! ]

Un endroit qui était devenu son principal point de repère dans Paris : les quais. Ian y revenait régulièrement, pour une raison devenue évidente, à savoir la présence de l'eau. Une eau sale, grise et limitée par des murs, eux aussi gris et qui ne promettaient aucun vent du large et aucune liberté, mais de l'eau quand même. Il fallait savoir se saisir de ce qui était à sa portée, minimum ou pas. Hors, à force de déambuler au gré de ses humeurs en entendant le clapotis tranquille des petites vagues contre la coque des bateaux amarrés là, il avait réussi à dénicher un bar. Une sorte de bistrot sympathique ou se retrouvaient des hommes de toutes sortes. Certains étaient amateurs de bonne bagarre, et d'autres de tranquillité. Un écran de télévision fixé dans un coin attiraient les passionnés de sport diverses que leurs conjointes ne leur aurait jamais permis de regarder en paix si ils s'étaient trouvés chez eux. Le barman, un homme d'âge mur et fort sympathique, tenait ce lieu d'une main de fer, et s'employait volontiers à connaître un peu mieux les habitués qui le faisaient prospérer. Bref, c'était la place idéal pour un marin comme lui : désabusé, à la recherche de tout et de rien ...

Ce soir-là, le coeur un peu à la mélancolie, l'homme s'était décidé à boire un peu. Il ignorait si il finirait par terre à devoir ramper pour revenir à son hôtel ou simplement d'humeur plus joyeuse... On verrait bien. En tout cas, ce fut d'une main ferme qu'il poussa la porte de l'établissement, adressant un petit signe de main aux gars qu'il avait déjà croisé un autre jour, et souriant amicalement au patron après s'être installé au bar sur un de ses tabourets haut favoris. Il commanda un whisky qu'il dégusta tranquillement. Une descente foudroyante le laisserait aussi rond qu'insatisfait, et il désirait éviter cet état-là pour le moment. Des exclamations dans un coin lui firent tourner la tête. Un match de football, et un but fourgué impitoyablement avaient provoqué l'enthousiasme ou la déception d'un groupe rassemblés au-dessous de l'écran, dont le son discret ne dérangeait personne, et permettait tout de même d'entendre les commentateurs débiter leur speech d'une voix surexcitée ou endormante, selon les périodes de jeu.

C'était ça aussi pour lui, la sérénité. Des individus qui ne lui demandaient rien, et lui qui ne demandait rien à personne. What a beautiful world, comme dirait l'autre ... Ian termina son verre en une seule lampée et sentit aussitôt les effets de l'alcool réchauffer son corps et sa gorge. Il adorait cette sensation qu'il avait toujours trouvé très agréable. Il allait d'ailleurs demander un deuxième verre d'une voix déjà un peu plus enjouée quand la porte s'ouvrit à nouveau, laissant passer un courant d'air. Seul le bruit l'en avait alerté, et cela ne l'empêcha pas de retirer son imper et de l'accrocher au siège avant de faire tourner celui-ci d'un habile coup de hanche. Il se retrouva face à l'entrée, curieux d'apercevoir le nouveau venu... qui s'avéra d'ailleurs être... UNE nouvelle venue. Un peu surpris, il tourna la tête de part et d'autre de la salle, se demandant si cette personne féminine venait rejoindre un des hommes attablés. Mais non... elle était venue seule semblait-il.

L'endroit n'était pas du genre à se voir recommander comme fréquentation pour la gent féminine mais... le marin se rendit compte qu'elle devait certainement être plus grande que lui, de quelques centimètres. D'où sortait cette bonne femme ? Sans s'en rendre compte, il la dévisageait presque impoliment, mais qu'importait : au diable les bonnes manières ce soir ...

Nadja jeta un regard circulaire sur la salle. Ce rade était le genre d'établissements sales et mal fréquentés où elle allait lorsqu'elle était soldat en Russie, ça lui donnait le mal du pays. Et quand elle avait le mal du pays, le meilleur moyen qu'elle avait trouvé pour éviter la déprime consistait à se sâouler à la vodka. En plus, ce jour-là, elle était occupée à faire ce qu'elle appellait "provocation calculée". En fait, elle se promenait dans des lieux publics et passablements mal famés en portant un tee-shirt sur lequel il était écrit en gros "Hybride et fière de l'être". Le but : pousser les chasseurs à lui sauter dessus et en profiter pour les éliminer. C'était le meilleur moyen qu'elle avait trouvé pour participer à la lutte, et ça marchait plutôt bien. Elle avait déjà huit morts à son actif.

Elle alla donc s'asseoir sur un tabouret au comptoir, à côté d'un marin à l'air pas trop ivre. Là, elle entrouvrit la fermeture éclair de son blouson d'aviateur pour laisser voir le message du tee-shirt. L'appât était prêt, la chasse était lancée. Elle commanda une vodka et, en la buvant, regarda autour d'elle. elle remarqua alors que le marin à côté d'elle la regardait avec un air patibulaire. En Tchétchénie, elle avait l'habitude de tirer une balle dans la jambe de celui qui osait la regarder comme ça, mais en france elle préférait éviter d'abîmer les civils.

"Tu veux ma photo ?"

La nouvelle venue s'avançait justement sur le comptoir. Voyant cela, il poussa un soupir et donna un coup de talon contre le comptoir de bois pour se retourner et faire face de nouveau au barman. Comme il s'y attendait, elle prit place juste à sa gauche, ce qui ne l'empêcha pas de continuer à la regarder. Au moment où elle se déshabillait, comme lui juste quelques secondes auparavant, il jeta un coup d'oeil nonchalant à ce qu'elle portait. Sur son T-shirt, figurait une inscription O combien provocante dans un endroit comme celui où ils se trouvaient. De par son allure et son comportement, cette jeune femme avait tout de la grande gueule imprudente et téméraire mais non pas moins dangereuse, que se risquaient à tester quelques ahuris ou autres têtes de noeuds. Pour autant, l'alcool n'aidant pas à lui faire garder son sérieux et son habituel détachement, Ian continuait de la décrire, se demandant au passage si elle était vraiment une hybride ou si elle prétendait simplement l'être pour faire parler autour d'elle. Dans le premier cas, il aurait sûrement maille à partir avec, ses élans conservateurs encore trop imprégnés en lui si elle le cherchait. Dans le second... bah, ça pourrait bien dérailler tout aussi rapidement également.

Elle commanda une vodka. Son accent, à couper au couteau, ajouté au contenu de son verre, permettaient de déduire le plus facilement du monde des origines soviétiques. Allons donc ! Paris devenait de plus en plus cosmopolite au fur et à mesure qu'il fréquentait la capitale. C'était exhaltant et effrayant, toute cette concentration d'hommes et de femmes de toutes nationalités, de toutes races et de tous comportements. Un facteur de division et de rassemblement. Il méditerait sans doute là-dessus une fois qu'il aurait repris son état normal : à savoir la sobriété, tranquillement installé dans sa chambre d'hôtel.

"Tu veux ma photo ?"

Haussant les sourcils, presque moqueur, un large sourire carnassier éclaira le visage du marin. Il avait du réprimer un rire en l'entendant parler... la faute à l'accent.

" Non j'préfère pas... te vexe pas, mais t'es pas mon genre de bonne femme ! "

Là, c'était le whisky qui avait parlé. Et un peu de lui-même aussi, il fallait l 'avouer.

" Et puis qu'est-ce que tu fous là, d'abord ? Tu crois peut-être que c'est un endroit pour gonzesse, ça ? "

Attrapant son deuxième verre, il le descendit cette fois-ci d'une traite, sans plus se soucier de son interlocutrice.

" Non j'préfère pas... te vexe pas, mais t'es pas mon genre de bonne femme ! "

"Ah ouais. J'imagine que tu les préfère avec moins là (elle montra son biceps) et plus là (elle montra sa poitrine)."

Elle ne s'en offusca point, loin de là. Elle aurait été plus vexé s'il l'avait trouvée à son goût et s'était mis en tête de la draguer. Le dernier qui avait tenté de la séduire, si ses souvenirs étaient corrects, avait fini la tête dans les toilettes d'un bar moscovite.

" Et puis qu'est-ce que tu fous là, d'abord ? Tu crois peut-être que c'est un endroit pour gonzesse, ça ? "

Là, elle apprécia moins. Tous ces mecs et leurs préjugés sur les femmes. Les marins étaient les pires. Elle se souvint de la soirée mémorable qu'elle avait passée en russie avec quelques autres femmes de son régiment. Elles venaient de faire la tournée des bars après leur service dans un port militaire et s'étaient promenées sur les quais. Elles étaient alors passées devant un cuirassé amaré là, et les marins sur le mont s'étaient mis à les siffler. Elles avaient alors répondu grossièrement, Nadja la première. Marins et femmes-soldats avaient alors passé presque toute la nuit chacun à leur place à s'échanger des injures, buvant de la vodka pour avoir moins froid et pour trouver l'inspiration. finalement, les marins avaient abandonnés les premiers pour aller se coucher.

"Et pourquoi j'irais dans un endroit pour gonzesses ? Pour parler cuisine avec des petites ménagères matriochkas autour d'une tasse de thé et de quelques petits gâteaux ? Pfeuh ! Tu te crois balèze ? Je te prends quand tu veux au bras de fer, dourak !"

"Ah ouais. J'imagine que tu les préfère avec moins là et plus là ."

Ah, elle le provoquait ... ? Tant mieux ! On allait rire ! Nonchalamment, Ian observa les biceps qu'elle lui présenta et fit mine d'acquiescer, comme faussement convaincu. En son fort intérieur, il se sentit pourtant un tantinet respectueux : cette bonne femme avait quasiment autant de muscles que lui !
Joueur, il acquiesça, tandis qu'il tendait le bras vers le barman :

" Te vexe pas, mais ... ouais ! "

Aussi insouciant que le jeune homme volage de ses dix-neuf ans, il demanda au tenancier de leur laisser la bouteille. Tant pis si il dépenserait de l'argent uniquement en alcool ce soir ... Il y avait des jours où il fallait savoir lâcher prise... et pas qu'un peu. Se resservant joyeusement un verre, il secoua la tête silencieusement. Si il ne roulait pas sur le parquet avant la fin de la soirée, il aurait de la chance ... ou bien une bonne descente, comme il en avait l'habitude également.

"Et pourquoi j'irais dans un endroit pour gonzesses ? Pour parler cuisine avec des petites ménagères matriochkas autour d'une tasse de thé et de quelques petits gâteaux ? Pfeuh ! Tu te crois balèze ? Je te prends quand tu veux au bras de fer, dourak !"

Etouffant un rire dans son verre, il se tapa un grand coup sur la poitrine, se léchant les lèvres avec vigueur.

" Ca s'prend pour un homme, hein ? "

Remontant le bras de sa chemise, il dévoilà sa peau et posa le coude sur le bord du bar. Aucun tatouage n'était présent sur la partie de son corps. Le seul élément notable était son alliance, qu'il avait décidé de remettre ce soir. C'était d'ailleurs une alliance particulière, et de ce fait, peu de gens la considéraient autrement que comme un simple anneau d'ornement. En argent, ciselé et gravé de lettres dont seul lui connaissait la signification, il lui arrivait de la retirer, comme quand le poids du souvenir devenait trop lourd.

" J't'attends.... "

Sa main avait adopté la forme de celle de sa vis-à-vis. A partir de ce moment, il redevint quelque peu sérieux. Il savait qu'il avait toutes ses chances de gagner en se montrant concentré et décidé. Inspirant profondèment, il rassemblait discrètement ses forces avec humilité cette fois-ci, laissant la parade et le verbe haut en cas de probable victoire ...

Il acceptait. Tant mieux. Nadja détestait ceux qui, dans cette situation, se contentait de partir sans prendre la peine de lui répondre, comme si elle avait tenu des propos délirants. Il releva le défi. Nadja posa son coude sur le comptoir et prit la main du marin. Elle demanda au barman de dire le compte à rebours. 3...2...1...Zéro ! Et la voilà partie. Le marin était pas mal bâti, mais ce n'était pas non plus un colosse. Et dommage pour lui, car il aurait fallu ça pour venir à bout de Nadja. Elle ne mit pas tout de suite toutes ses forces, voulant laisser à son adversaire une chance de gagner. Et puis elle se mit peu à peu à redevenir sérieuse. Les deux poings se rapprochèrent dangereusement du comptoir, du côté de Ian. Et finalement, Nadja lui fit un clin d'oeil avant de lui écraser la main contre le bois verni. Elle n'était pas aussi forte que sous sa forme d'hybride, mais elle se maintenait bien. Tout ce temps à soulever des haltères n'évait pas été superflu.
Elle leva le poing en prenant une posture victorieuse, puis elle prit la bouteille de vodka et but au goulot. S'essuyant la bouche d'un revers de la main, elle sourit au marin. Cette fois, ce n'était ni un sourire méprisant ni un sourire de politesse contrefaite. Malgré tout elle était bonne gagnante.

"Héhé ! Je me maintiens bien. Allez, je te paie un coup."

Puis au barman :

"Hé ! Sers-lui ce qu'il veut, même si c'est du champagne. C'est moi qui paie."

Voilà. Ainsi, elle avait montré à Ian qu'elle pouvait être pire qu'un homme.

A cet instant, Ian avait totalement oublié qu'il n'avait pas affaire à une humaine normale, mais bien à une hybride... merci l'alcool ! Mais tant pis... C'était trop tard, et de bonne guerre qu'il avait empogné la main de celle qui le défiait. Le duel commença. Au départ, la chance paraissait tourner en sa faveur, mais un désagréable pressentiment lui soufflait que tout cela était trop facile ... Certes elle était une femme, mais pas que... Et puis vu comment elle était bâti, il ne s'était pas du tout attendu à l'emporter sur elle aussi facilement. Bien lui en prit de se questionner sur la force de son adversaire : avant même qu'il n'ait eu le temps de réaliser qu'il avait perdu face à une représentante de la gent féminine, cette diablesse lui avait broyé les phalanges et envoyé au tapis le dos de sa main contre le bois rugueux du bar. Ebahi, choqué, froissé dans son égo personnel, cette sensation plaisante ne dura point ... : encore merci l'alcool !
Poussant un :

" Bwarf ! "

découragé, il fit un signe de main marquant sa défaite. Non décidemment, y'avait des fois où valait mieux rester couché pour de bon ... Récuperant son verre, il le termina avec entrain, soufflant un bon coup en remuant ses doigts endoloris.

"Héhé ! Je me maintiens bien. Allez, je te paie un coup."

Si il n'avait pas eu un coup dans le nez, l'homme se serait montré plus mauvais que joueur que jamais. Mais la chaleur naissante grace au whisky, la mine aucunement moqueuse de la russe et la bonne ambiance du lieu le poussa à prendre tout cela sous le signe de la détente, plutôt que de se braquer et de claquer la porte.

"Hé ! Sers-lui ce qu'il veut, même si c'est du champagne. C'est moi qui paie."

Acceptant ce contrefait, Ian acquiesça et releva la main :

" Whisky et rhum, y'a qu'ça d'vrai ! "

Donnant une bourrade amicale comme il l'aurait fait pour un de ses marins, il leva son verre en son honneur :

" Sans rancune ! "

Et descendit une première gorgée, le moral gonflé à bloc.

" Eh ! T'es quoi comme hybride ? Une grizzly ou quoi ?! "

"Whisky ? Rhum ? Bof, c'est de la petite mire."

Elle commanda une nouvelle bouteille de vodka polonaise. Le marin ne l'avait pas envoyée chier, ça voulait dire qu'il était bon perdant...à moins que ce ne soit juste l'effet euphorisant de l'alcool qui devait déjà couler dans ses veines.

"Ouais, sans rancune, Katastroff."

Tiens, elle lui avait trouvé un surnom sympa. Elle amait bien donner des surnoms aux gens, mais celui-là lui était venu tout seul. Voilà qui était révélateur.

" Eh ! T'es quoi comme hybride ? Une grizzly ou quoi ?! "

"Nan. J'ai quand même plus de finesse...un peu...quand même... Bon. Si je te dis que je suis blanche et rayée, ça t'évoques quoi ? Tu as dû beaucoup voyager, est-ce que tu es déjà allé dans l'Oural ? C'est là qu'on trouve les meilleures espèces animales de Russie."

Elle lui laissa le temps de réfléchir un peu aux possibilités. Elle n'aimait pas dire directement qu'elle était une tigresse. C'était un terme trop souvent employé par les prostituées pour dire qu'elles étaient enragées au lit. Mieux valait laisser un peu de mystère.

"Dis donc. Pour aimer le whisky comme ça, tu serais pas irlandais ou quelque chose du genre ?"

"Whisky ? Rhum ? Bof, c'est de la petite mire."

Ian leva les yeux au ciel. Pour des Soviets, tout ce qui ne comportait pas de vodka était considéré comme étant de petite mire, ce fut pour cette raison qu'il évita de se vexer, une fois de plus. Pour lui, le bon whisky écossait et le rhum réunionais écraisaient en saveur et en plaisantes sensations toutes les vodkas qu'elle aurait pu lui proposer, cette huile de vidange tout juste bonne à décaper des toilettes ... Pas fait pour être buvable, ce liquide-là ... Ce fut pourquoi il jeta un oeil dégoûté à la bouteille de fabrication polonaise après avoir secoué la tête, dépité.

"Ouais, sans rancune, Katastroff."

Comme pour trinquer et répondre à cet élan de camaraderie, Ian attrapa la bouteille de whisky et la fit tinter contre celle de sa partenaire. Comme si à partir de cet instant, les verres seraient ... totalement inutiles et délaissés. Se descendre une bouteille en buvant directement au goulot ... un plaisir simple pour qui pouvait se l'offrir et accepter de souffrir de la gueule de bois du lendemain. Il ne savait même pas ce que voulait dire Katastroff et n'était pas sûr de le savoir : ce serait un surnom comme un autre et puis merde.

"Nan. J'ai quand même plus de finesse...un peu...quand même... Bon. Si je te dis que je suis blanche et rayée, ça t'évoques quoi ? Tu as dû beaucoup voyager, est-ce que tu es déjà allé dans l'Oural ? C'est là qu'on trouve les meilleures espèces animales de Russie."

Il lui jeta un oeil amusé, comme si il sous-entendait qu'elle se fichait de lui en parlant de finesse. Mais en entendant la description qu'elle lui dépeint de sa forme d'hybride, ses neurones engourdies d'alcool peinèrent à trouver une réponse acceptable. Russie ... blanc et rayé... Renard polaire ? Nan, ça devait pas être ça. Lapin des neiges ? Non plus.

" Ah pour voyager ... ça ouais ! Mais jamais aussi haut ! Manquerait plus de se faire prendre dans la mer gelée, tiens ... "

Cette idée lui rappela deux ou trois propositions qui lui avaient été faites par le passé, conduisant justement vers les terres gelées d'où provenait la blonde. Et il se rappelait également parfaitement avoir refusé catégoriquement. Ni lui, ni son bâtiment, ni l'équipage ne se seraient forcés à affronter un environnement aussi glacial. Cet endroit, ce n'était pas pour eux, et tout l'argent du monde n'y changerait rien. Cependant, il continuait de réfléchir à cet animal mystérieux qui pouvait bien la représenter elle. Bien que n'ayant jamais visité son pays d'origine, il en savait suffisamment sur la faune qui la composait pour disposer d'un panel d'espèces variées.

"Dis donc. Pour aimer le whisky comme ça, tu serais pas irlandais ou quelque chose du genre ?"

A ces mots il secoua vigoureusement la tête, négativement bien sûr.

" Ca va pas non ? Francais, madame ! Pure souche ! Dans la famille on a simplement appris à aimer le bon alcool, ça ne fait pas pour autant de moi un rouquin ! "

Il lui lança un clin d'oeil franchouillard, continuant de réfléchir avant de finalement obtenir une idée qui pourrait s'avérer être la réponse juste.

" Hum... franchement, j'ai entendu parler des tigres de Sibérie. C'est blanc, gros et rayé, ça pourrait être ça non ? En tout cas ça t'correspondrait bien ! "

Pas irlandais ? Bah. Nadja n'avait rien de particulier contre les irlandais, si ce n'est qu'elle détestait leur cuisine. Un français de souche ce n'était pas plus mal. Enfin bon, pour ce qui était du whisky... Elle préférait les alcools forts, ceux qui donnent l'impression d'être sur le point de fondre lorsqu'on les boit.

" Hum... franchement, j'ai entendu parler des tigres de Sibérie. C'est blanc, gros et rayé, ça pourrait être ça non ? En tout cas ça t'correspondrait bien ! "

Nadja faillit avaler de travers. Elle reposa sa bouteille et s'essuya la bouche d'un revers de la main.

"Gagné ! Je t'aurais bien montré, mais ça m'aurait fait chier de devoir enlever mes pompes. Les rangers ça met une heure à lacer et une heure à délacer. Je galère chaque fois que je veux rentrer au Midnight. Il faudra que j'investisse dans des rangers à fermeture éclair."

Un nouveau silence. D'après Nadja, mieux valait en dire pas assez que trop.

"Sinon, tu fais quoi dans la vie. Marin, je m'en doute. Mais tu travailles dans le commerce ? Le loisir ? Je doute que tu sois un militaire."

Plus les minutes passaient, plus Ian se réjouissait d'avoir fait la connaissance de cette femme pas comme les autres. Enfin une qui ne faisait pas sa mijaurée et qui, de plus, savait boire comme un homme, sans façon. Oublier politesse et savoir-vivre, ça pouvait faire du bien ... Soulevant la bouteille contenant le liquide ambrée dans sa paume, il en but une franche gorgée avant de la reposer de façon sonore sur le bois du bar, secouant un peu la tête pour garder au maximum les pieds sur terre. Ce serait bête de flancher trop vite...

"Gagné ! Je t'aurais bien montré, mais ça m'aurait fait chier de devoir enlever mes pompes. Les rangers ça met une heure à lacer et une heure à délacer. Je galère chaque fois que je veux rentrer au Midnight. Il faudra que j'investisse dans des rangers à fermeture éclair."

Oulà, oulà, oulà ... beaucoup trop d'informations pour son cerveau engourdi à la fois. Il lui fallut analyser péniblement chacune d'entre elle ... éprouvant. Elle lui aurait ... montré ? Jamais il ne réussirait à s'y faire. Jamais il ne parviendrait à imaginer ce qu'il ressentirait face à un tigre de Sibérie... en plein Paris. Non, on pouvait lui demander d'imaginer beaucoup de choses, mais sûrement pas ça. Et pourtant, il savait que c'était possible. Que cela ne relevait plus du fantasque, et du rêve. Quant au ... Midnight ? Il ne connaissait pas cet endroit. Un club privé ? En tout cas, le nom même du lieu lui était inconnu.

"Sinon, tu fais quoi dans la vie. Marin, je m'en doute. Mais tu travailles dans le commerce ? Le loisir ? Je doute que tu sois un militaire."

Lui faisant face à nouveau, il hocha négativement de la tête.

"Arf... le prend pas mal, mais l'armée et moi... ça fait deux. J'aime pas les militaires... peux pas m'les blairer... "

L'idée de discipline, il n'était pas contre. Mais l'idée d'obéir sans intégrer la raison à des ordres incohérents, venus d'une sphère dont il n'avait même pas connaissance... très peu pour lui. La Grande Muette n'avait jamais attiré cet homme épris avant tout de liberté, et trop fier pour se plier à des règles aussi strictes et pesantes.

" J'travaille dans le commerce. J'déniche des contrats par-ci, par là... transport de marchandises, de bestioles... même d'hommes, parfois... Pourvu qu'on me paye, j'prends tout. Parfois y'a des missions plus ardues que d'autres, comme quand t'as de ces putains d'excentriques qui veulent s'offrir un animal interdit par la réglementation d'être présent sur le marché. Et j'comprends les lois ... déjà que des bêtes, y'en a plus beaucoup... "

Nouvelle gorgée.

" Enfin bref, ce domaine-là... c'est sympa, j'suis mon propre patron, et tant que je fais mon job, personne n'a rien à redire... C'est varié, parfois excitant ... j'aime mon boulot en tout cas. Et toi, tu bosses dans quoi ? "

Nadja haussa les épaules. Encore un type qui n'aimait pas l'armée, ça lui faisait une belle jambe. Au moins ne ressemblait-il pas à ces hippies, ces empêcheurs de combattre en rond qui fumaient des joints en jouant de la guitare autour d'un feu de camp.

" J'travaille dans le commerce. J'déniche des contrats par-ci, par là... transport de marchandises, de bestioles... même d'hommes, parfois... Pourvu qu'on me paye, j'prends tout. Parfois y'a des missions plus ardues que d'autres, comme quand t'as de ces putains d'excentriques qui veulent s'offrir un animal interdit par la réglementation d'être présent sur le marché. Et j'comprends les lois ... déjà que des bêtes, y'en a plus beaucoup... Enfin bref, ce domaine-là... c'est sympa, j'suis mon propre patron, et tant que je fais mon job, personne n'a rien à redire... C'est varié, parfois excitant ... j'aime mon boulot en tout cas. Et toi, tu bosses dans quoi ? "

à vrai dire, elle s'en doutait un peu. Il avait bien la tête du vieux capitaine de cargo alcoolique qui transportait des marchandises pas toujours légales.

"Justement c'est drôle que tu parles de ça, parce que moi j'y suis, dans l'armée. J'étais dans l'armée rouge, et maintenant je suis caporal dans l'armée française."

"Justement c'est drôle que tu parles de ça, parce que moi j'y suis, dans l'armée. J'étais dans l'armée rouge, et maintenant je suis caporal dans l'armée française."

La raillant un peu du regard, il fit une nouvelle fois courire son regard sur elle de haut en bas. Ouais, pas étonnant... d'ailleurs il l'aurait mal vu bosser dans un autre secteur que celui del 'armée, vu comment elle était taillée. Il ne craignait pas cependant de s'attirer ses foudres en critiquant l'armée. Il aimait pas il aimait pas, point. Souriant en coin, il secoua la tête.

" Quelle surprise ! Non sans dec... pourquoi t'es rentrée dans l'armée ? Franchement ça te plaît toi, de t'entraîner comme une malade en léchant les bottes de tes supérieurs pour ensuite aller péter la gueule à des pauv' gars qui ont rien demandé et qui, parfois, sont plus jeunes que toi ? "

Ce n'était qu'une simple question sans mauvaises pensées derrière. Il ne la provoquait pas, mais s'intéressait sincèrement à la réponse qu'elle lui donnerait. Car jamais il ne comprendrait cet engouement pour ce qui relevait du militaire.

" C'était quand ta dernière mission, toi ? Et puis pourquoi t'es v'nue en France si c'est pas indiscret ? Ca te plaisait plus la Russie ? "

Il but une autre gorgée de whisky. Ian commençait à chanceler légèrement sur sa chaise : pas bon signe. Mais il tenait encore, c'était bon. Revenant à ce qu'il lui avait demandé precedemment, l'homme réalisait que c'était une sacrée trotte de Moscou à Paris. Le statut de nouvelle terre d'asile de la capitale l'avait-il poussé à entreprendre ce voyage et à se faire muter ici ? En tout cas, il se demandait comment elle avait été accueilli dans les rangs ici, et à quel point elle avait du surprendre ses camarades masculins ...

Voilà qu'il se foutait de sa gueule en appuyant sur l'armée, cette fois. Là, elle aurait pu lui envoyer un direct dans le menton qui lui aurait déboîté la mâchoire, mais elle décida de mettre ça sur le compte de l'alcool.

"Déjà, l'armée c'est une vocation. Mon père était dans l'armée, mon grand-père aussi, pareil pour mon arrière-grand-père. Et puis je pourrais te parler du désir de servir et protéger la nation et les citoyens, mais en ce qui me concerne c'est surtout le besoin de se battre. Je me sens vivante qu'en affrontant la mort sur le champ de bataille, c'est comme ça. Sans l'armée qu'est-ce que je pourrais bien faire ? Tu me verrais en comptable ? Je me flinguerais en même pas deux semaines. Et pis en ce qui concerne les bottes, comme j'ai du galon c'est plutôt les autres qui me les lèchent."

" C'était quand ta dernière mission, toi ? Et puis pourquoi t'es v'nue en France si c'est pas indiscret ? Ca te plaisait plus la Russie ? "

Il le faisait exprès ?

"Faut sortir, le dimanche ! Tu sais pas ce qu'ils font aux hybrides en Nouvelle Union Soviétique ? Ils les flinguent au bord d'une fosse commune avant de les enterrer sommairement. Je serais morte si j'avais pas filé, surtout en étant dans l'armée. C'est mes camarades qui auraient dû se charger de mon cas sous peine d'être fusillé en même temps que moi."

Vocation, vocation ... non, pas pour lui. Pour lui c'était pas une vocation que d'aller débarquer dans un pays pour taper sur la gueule de ses habitants, foutre la merde, envoyer des bombes et tuer d'autres hommes, qui ne savaient la plupart du temps même pas pourquoi ils combattaient. C'était ça qui le dérangeait le plus et lui faisait oublier les utilités défensives que pouvait avoir l'armée régulièrement. Ce n'était pas pour autant qu'il ne témoignait pas de respect à certains hommes qu'il avait connu comme en ayant fait partie. Son second lui-même avait été se faire engager jeune, et avait passé trois ans à servir la nation, avant d'en revenir, écoeuré et épris d'une liberté plus grande que celle de se plier en quatre pour satisfaire les supérieurs. Le tout pour un salaire qui ne le satisfaisait pas, compte tenu de ses ambitions. Il y avait des gens faits pour ça, d'autres non. Comme pour tout, d'ailleurs. D'ailleurs elle venait elle-même de l'avouer : ce qui lui tenait à coeur relevait plus de la castagne que de la solidarité entre peuples, apparemment ... Puis le physique aussi ...

" Ouais, j'avoue qu't'as pas franchement le profil de la secrétaire de bureau ... "

Quant à la situation de ce qui se passait dans la Fédération de Russie ...

" Oh doucement, hein ! Moi j'suis calé ni en hybrides, ni en Russie, c'est pas mon rayon j't'ai d'jà dit ! Donc j'pouvais pas savoir ce qu'ils faisaient aux gens comme toi ... pardon m'dame ! "

Poussant un soupir, il secoua la tête, faisant la moue.

" C'est vachement moche, quand même... M'enfin tant mieux si t'as pu t'en sortir ! Vu de quoi t'as l'air ça m'étonne pas que t'aie réussi à sauver ta peau, t'as l'air d'une battante, toi ! "

Il ne sortait ce genre de compliments ( qui plus est à une femme, hybride, qu'il ne connaissait pas ... ) que lorsqu'il commencait sérieusement à être éméché. D'ailleurs, il dut se retenir au meuble, pour ne pas se sentir glisser légèrement sur le côté...

" Oh doucement, hein ! Moi j'suis calé ni en hybrides, ni en Russie, c'est pas mon rayon j't'ai d'jà dit ! Donc j'pouvais pas savoir ce qu'ils faisaient aux gens comme toi ... pardon m'dame ! C'est vachement moche, quand même... M'enfin tant mieux si t'as pu t'en sortir ! Vu de quoi t'as l'air ça m'étonne pas que t'aie réussi à sauver ta peau, t'as l'air d'une battante, toi ! "

Il avait l'air complètement torché. Visiblement il ne tenait pas si bien l'alcool. Les marins buvaient bien comme des trous, mais apparement ils n'étaient pas fichus d'en gérer les effets. Celui-ci semblait sur le point de s'écrouler.

"Tu devrais rentrer te coucher, Katastroff. Tu tiens plus debout."

Elle craignait, si elle le laissait repartir seul, qu'il ne tombe à la flotte. Doué comme il l'était, c'était possible.

"J'espère que tu peux encore marcher. J'ai pas super envie de te porter jusqu'à ton rafiot."

"Tu devrais rentrer te coucher, Katastroff. Tu tiens plus debout."

Se coucher ? Pour quoi faire ? Non, non, il était trop bien ici... il avait à boire, de la compagnie et il faisait chaud. Alors sortir du bar pour recevoir le froid de Paris dans la figure et redevenir seul pour de bon d'une démarche mal assurée pour revenir à l'hôtel ... très peu pour lui dans l'immédiateté. Même si une petite voix au fond de lui soufflait que c'était la meilleure chose à faire, la plus raisonnable.

"J'espère que tu peux encore marcher. J'ai pas super envie de te porter jusqu'à ton rafiot."

Repoussant son verre d'un revers de la main assez modéré pour éviter de le renverser, Ian se redressa autant que possible vu son état, s'étirant en poussant un grognement d'exaspération. Puis, il secoua la tête, lui lançant un regard surpris.

" Tu croyais quand même pas que j'allais ramener l'bateau jusqu'à la Seine quand même ! Le Victorian est ancré à Bordeaux ... et moi vivant, il y restera ! "

Se forçant à quitter le siège de cuir, il retomba lourdement sur ses jambes qui, chancelantes, ne purent supporter son poids que grâce à l'appui de ses coudes sur le bois strié.

" Nan, nan... j'dors à l'hôtel, moi... "

Nadja regarda Ian se lever et tituber.

*Mon Dieu ! Il va crever d'une crise d'apoplexie et on va m'accuser de l'avoir tué.*

Ellke avait connu assez de cuites pour savoir qu'il était dangereux d'essayer de rentrer avec autant d'alcool dans le sang, même à pied.

"T'es sûr d'arriver à rentrer seul ? Tu feras pas dix mètres avant de t'écrouler."

"T'es sûr d'arriver à rentrer seul ? Tu feras pas dix mètres avant de t'écrouler."

Poussant un soupir nauséeux, Ian resta un moment accroché au bar, sans réelle envie de partir, mais sans réelle envie de rester non plus. Il sentait bien pourtant que, si il continuait à boire, il serait dans la véritable incapacité de retrouver l'hôtel, et même de sortir les clefs de sa poche ... Il avait connu pire comme sensations à cause de l'alcool. Sa seule erreur ce soir avait peut-être été de boire à jeûn, et risquer ainsi une montée rapide et trop grisante. Mais ça irait ...
Tâchant de ne se redresser plus que sur une seule paume, il recula légérement, son regard vitreux posé sur la russe à côté de lui.

" T'inquiète ... ça ira... T'peux v'nir si tu veux mais ça ira... "

Fouillant dans la poche de son pantalon, il sortit l'argent nécessaire et tant pis pour la monnaie...

Nadja haussa les épaules et paya aussi sa consommation. Elle se leva de son tabouret et suivit le marin, prête à la porter si ça s'avérait nécessaire. Il ne devait pas être bien lourd, elle arriverait sûrement à le traîner jusqu'à son hôtel...à condition qu'elle sache où c'était. Amusée, elle attendait de voir combien de temps il tiendrait avant de s'écrouler par terre.

"Il est où ton hôtel ? Que je sache où déposer son cadavre si tu crèves d'une chirrose foudroyante !"

Allez... il restait plus qu'à enfiler le manteau et à se motiver une dernière fois pour sortir d'ici et ce serait bon. Avec peine il y parvint, sentant pourtant revenir une douleur régulière, qui semblait le lancer des épaules à ses reins. Vivement le matelas et une bonne nuit de sommeil... il ne voulait même pas imaginer dans quel état il se trouverait le lendemain : c'était une autre histoire. Faisant un signe de main mal assuré au barman, il commença à s'éloigner d'un pas chancelant, n'ayant guère besoin de se retourner pour deviner que la russe le suivait de près.

" C'est bon j'te dis ... j'vais me démerder, j'ai l'habitude... "

"Il est où ton hôtel ? Que je sache où déposer son cadavre si tu crèves d'une chirrose foudroyante !"

Lui lancant un regard vexé, il n'eut pas le temps de répondre violemment. Ils étaient tous deux dehors, l'eau de la Seine luisant sous le regard de la lune, et le froid qui l'atteignit ajouta encore un peu plus à la souffrance de son estomac. Titubant sur le côté, il se pencha soudainement et se mit à vomir.

"Oh, la ratatouille ! Je l'avais bien dit."

Voyant le marin vider son estomac, Nadja fut partagée entre l'envie de lui venir en aide et celle de se foutre royalement de sa gueule. Finalement, elle opta pour les deux. C'est donc en se tordant presque de rire qu'elle alla lui taper dans le dos.

"Ben dis donc. Ce coup-ci je crois que j'ai bien choisi ton surnom."

"Oh, la ratatouille ! Je l'avais bien dit."

Au bord de l'évanouissement, vomissant ses tripes, le rire de Nadja ne lui apportait même pas de la colère supplémentaire ... en revanche, devenu trop faible, il tomba à genoux, soulageant ainsi les muscles de ses mollets et n'ayant ainsi plus besoin de se casser les reins pour se courber vers l'avant. Epuisé, il se redressa enfin, haletant.

"Ben dis donc. Ce coup-ci je crois que j'ai bien choisi ton surnom."

Emettant un grognement, il vomit une dernière fois avant, de sentir que, cette fois-ci, il pourrait se relever sans craindre de dégueulasser ses vêtements. Mettant sa fierté de côté et tendant une main vers l'arrière, il lui souffla d'une voix résignée :

" Donne-moi un coup d'main, tu veux ...? "

Sans cesser de rire aux larmes, Nadja prit la main du marin et l'aida à se relever. Puis elle passa son bras sur ses épaules pour l'aider à marcher.

"Je croyais que les marins tenaient mieux l'alcool que ça. Heureusement que t'en restes au whisky. Un conseil, n'essaie jamais la vodka, et surtout pas la polonaise. Alors je te dépose où ?"

N'essayant même pas de faire preuve d'un restant de dignité, il se laissa aller contre la carcasse solide de sa rencontre de la soirée, les yeux dans le vague. En effet, il voyait flou et aurait sans doute mis des heures à retrouver son chemin et à parvenir jusqu'à l'hôtel. Ian était également pratiquement sûr qu'il aurait prit sa part de rire si ce n'était pas lui qui s'était trouvé en si piteux état. Car, d'un point de vue objectif, la situation était parfaitement comique en effet. A présent soutenu, il savait au moins qu'il rentrerait indemne... et en sécurité. Aucune personne saine d'esprit n'aurait osé s'attaquer à ce semblant de bonne femme.

"Je croyais que les marins tenaient mieux l'alcool que ça. Heureusement que t'en restes au whisky. Un conseil, n'essaie jamais la vodka, et surtout pas la polonaise. Alors je te dépose où ?"

Etouffant un haut le coeur, il eut la force de préciser :

" Ca dépend des fois ... "

Cependant, saisi par la sensation qu'il allait vomir ses tripes si il rouvrait la bouche, il ne put que rajouter péniblement :

" Hôtel du Moulin Vert ... "

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