Retour sur terre, retour de mer. \Mel\

« Melwin … Tu devrais me détester … Je pensais te préserver en te cachant ce qu’était ta mère … Mais au lieu de ça je t’ai privé de la vérité. Ce qui t’a empoissonné … Je n’aurais jamais dut te priver de ta mère si égoïstement … J’étais tellement … Furieux contre elle, que je me suis promit de ne plus jamais la laisser te blesser… Et voilà où mon entêtement nous a mené …Je n’avais aucun droit de te priver de ton histoire. »

Melwin ne savait que répondre à ça. Il avait raison, certes. L’anguille pouvait lui en vouloir de lui avoir menti, une fois de plus. Mais il ne se sentait pas la force de lui faire des reproches. Considérer la femme qui venait de sortir comme sa mère était quelque chose de dur à avaler, et en fin de compte, il comprenait pourquoi Maximus ne lui avait pas présentée. Et puis, ce qui l’effrayait, c’était de regarder vers le passé, et de constater qu’en fin de compte, le fils n’était pas si différent de sa mère.

« Je n’ai jamais eut l’empathie de réaliser à quel point le manque d’une mère avait pu te meurtrir … Je réalise à quel point cela à dut te peser … J’ai conscience de la froideur et de la distance que j’ai pu mettre entre nous au cours de toutes ces années… Je devine à quel point il t’était impossible de m’en parler. Je n’ai jamais essayé d’être un confident pour toi …
- Je n’ai pas essayé de me confier, tu sais. Quand je te regardais, supporter toutes tes responsabilités tout seul, ça m’inspirait. Il fallait que je sois aussi fort que toi, je ne voulais pas te décevoir… »

Son père s’ouvrait, Melwin se devait de le faire aussi. La guerre était finie, l’étreinte de l’ancien aquatique, bien qu’assez maladroite, était une des plus agréables au goût du jeune homme. Les yeux fermés, appuya sa tête sur l’épaule de l’ancien.

« Ne deviens pas comme moi Melwin… Ne t’enferme pas dans tes idées ou tes blessures. Tu n’as qu’une seule vie, ne la perd pas a avoir peur de ce que tu ressens… »

Répondre qu’il avait déjà tout fait pour ne pas devenir comme Maximus n’était pas le plus judicieux. Il avait beau se l’être caché, Melwin avait toujours eu une sorte d’admiration pour son tuteur, et lui trouver des points faibles et appuyer dessus n’était qu’un moyen de cacher cet intérêt. On dit souvent que le père est le super-héros d’un enfant. Maximus était toujours, et resterait ce super-héros.

« Je doute que de nous deux, je sois celui qui ramène une femme. Après toutes ces années qui ont fait de moi un névrosé, j’ai renoncé à tout ça … »

L’adolescent s’empourpra, et allait répliquer, mais l’ancien ne le laissa pas faire.

« Tu es ma seule famille Melwin. Tout ce qui me reste. Et cela, même la femme la plus redoutable ne pourra le changer… Alors ne les craint pas. Elles sont dangereuses, parfois blessantes, mais elles seront les seules à pouvoir t’apprendre l’amour qui te grandit… Celui qui t’évitera de tomber dans les pièges dans lesquels je suis moi-même tombé. Tu mérites tellement mieux que ce j’ai encore a t’offrir. Ne t’en prive pas. »

Melwin fit un pas en arrière, et envoya son poing rencontrer l’épaule de Maximus. Le coup n’était pas censé être douloureux, mais il était assez sec pour signifier que ce n’était pas une question de plaisanterie.

« Ose te dévaloriser encore une seule fois, et c’est toi que je fais passer par la fenêtre. T’as toujours été un modèle pour moi, que ce soit quand j’étais petit et que je voulais te ressembler, ou même y a quelques mois, quand tu étais tout ce que je ne voulais pas devenir. J’avais beau tout faire pour le nier, je t’ai toujours admiré. Et puis j’ai peut-être pas envie de l’apprendre, cet amour qui grandit. J’ai peut-être pas envie de donner à une femme l’occasion de me faire du mal…
Je suis bien, là. Je t’ai, toi. J’ai Adel. Pourquoi j’aurais besoin d’autre chose… ? »

Tout n’était pas sorti exactement comme attendu. À vrai dire, la majorité de ce petit discours ne devait même pas être prononcée à haute voix, c’est ce qui déstabilisa l’anguille.

« Besoin d’autre chose que ce que Adel et moi pouvons t’apporter ? J’en vois une plus qu’évidente que seul les femmes peuvent te donner… »

Melwin cligna les yeux de surprise, le temps de comprendre. Il retint de justesse un « Oooohh naaaaaaaan ! » Le sous-entendu de Maximus, même placé de manière humoristique, était de trop. Déjà entre un père et un fils complice ce genre de chose pouvait ne pas passer, mais entre eux qui commençaient à peine à réellement se comprendre, c’était sans doute trop tôt pour dire ces choses.

« J’ai comme l’impression que je n’arriverais pas à te faire entendre raison… Soit. Fais comme il te plaît fils…
- Pendant dix-huit ans j’ai fait ce qu’il me plaisait, tu vas quand même pas croire que je vais y renoncer à l’aube de ma majorité, voyons. »

Selon l’anguille, ce genre d’humour était bien plus indiqué entre eux. C’était une manière de faire fi du passé de la manière la plus simple possible : en en riant.

La manifestation du ventre de Melwin mit un terme à son sourire. L’idée de rencontrer sa mère l’avait stressé toute la journée, et il n’avait pas pu avaler quoi que ce soit.

« J’imagine que t’as pas mangé non-plus. Je vais voir ce que je peux nous faire. En attendant, fais comme chez toi. »

La dernière phrase avait été prononcée de manière ouvertement moqueuse, avec une petite courbette et un sourire en coin pour couronner le tout.

Sur ce, Melwin se dirigea vers la cuisine, et s’appuya un instant à l’évier en fermant les yeux pour remettre de l’ordre dans ses idées, s’aidant de ses trois petits coups sur la tête rituels. Ce cap passé, le changement dans leur vie serait radical. L’anguille en était soulagé.

Avec une brève inspiration, il se mit aux fourneaux.