Saison nouvelle [PV Ian]

Ian ne sut exactement ce qui l'avait tiré du sommeil. Un bruit. Quelque chose qui était peut-être tombé, ou bien un voisin de palier un peu bruyant en rentrant de soirée, il l'ignorait. Battant des paupières, il étouffa un puissant baillement et n'esquissa pas un geste pour regarder l'heure qu'il était : il s'en fichait royalement. L'obscurité était totale désormais, mais il ne tarda pas à se rendre compte qu'il était seul dans la chambre. Elle était partie ... Toute langueur disparue, il se redressa subitement, envoyant valser les draps qui s'étaient enroulés autour de son corps rendu moite par leurs ébats. Sa respiration s'accéléra brusquement, et un pincement au coeur se fit douloureusement sentir. Tendant l'oreille, il n'eut pas à attendre bien longtemps pour deviner qu'elle n'était pas dans la salle de bain : elle avait bel et bien quitté la pièce. Les effluves de son parfum traînaient encore heureusement, mais trop modérement à son goût. Tendant la main, il désirait toucher l'oreiller afin de deviner depuis combien de temps elle l'avait laissé dormir, seul. Ses doigts rencontrèrent cependant un morceau de papier. Un message !
Aussi impatient qu'un adolescent, il se tourna et chercha à tâtons l'interrupteur de la petite lampe de chevet, posée non loin de lui. Il jura lorsque la lumière, aussi peu aveuglante soit-elle, aggressa ses rétines tout juste sorties du sommeil. Se frottant vigoureusement les yeux, il dut patienter quelques secondes, pour finalement être en capacité de lire ce qu'elle lui avait marqué. Un sourire béat vint illuminer son visage. Elle ne l'avait pas oublié ...

Citation :

Sa nature féline ... Oui, c'était vrai qu'elle n'était pas une humaine ordinaire. Délicatement, il effleura les lignes gracieusement écrites, et relut au moins trois fois les quelques lignes qu'il se sentait chérir autant que celle qui les avait écrites. Un intense soulagement s'empara de lui : rien n'était terminé. Tout ne ferait au contraire que commencer, que prolonger ce magnifique cadeau que le destin s'était enfin décidé à lui offrir. Un soutien inconditionnel, un échappatoire à toutes les souffrances, un remède au désespoir lui-même. Maladroitement, il en revint à son idée première et toucha de sa paume l'oreiller qui, encore peu de temps auparavant, avait permis le repos à la créature sublime qui avait su cueillir son coeur comme seule Bridgess avait pu le faire avant elle. Tiède ... La chance continuait de lui sourire ! Il avait beau haïr cette ville depuis son plus jeune âge, il n'aurait refusé pour rien au monde de la parcourir à ses côtés. Il était sûr qu'elle réussirait à lui faire apprécier la capitale, avec le temps. Peut-être parce qu'elle serait une des plus belles rencontres qui lui été donné de faire en ces lieux.

Déposant le papier sur le matelas, il se saisit de l'oreiller d'Alessa et le serra contre lui, le portant à ses narines en fermant les yeux, le temps de se laisser envahir par son parfum aux multiples senteurs enivrantes, qu'il n'aurait pourtant pas été en mesure d'identifier. Le mélange était en effet si subtil ... Et il n'avait pas les pensées très claires, il devait bien se l'avouer. Sautant hors du lit, il chercha un moment ses vêtements, se rhabillant à la hâte, avant de passer dans la salle de bain. Il s'attendait à se trouver cerné, les traits marqués... Au lieu de cela, il avait bonne mine. Néanmoins, il récupéra un peu d'eau en coupe entre ses mains, pour s'en frotter les joues et les paupières. Revigoré, il attrapa son porte-feuille au vol qu'il fourra dans la poche arrière de son pantalon et chipa ses clefs du bout de l'index, avant de refermer la porte de la chambre dans un claquement sonore.
Plutôt que de descendre, il avala les marches deux par deux, risquant à chaque virage de se rompre le cou ou de glisser et de rater un des degrés qui semblaient s'étendre à l'infini. Il dut mobiliser tout son bon sens et sa discrétion polie pour se retenir de sauter du haut des cinq dernières marches, et ainsi retomber de tout son poids dans le hall.

Ian vira à droite, en direction du bar. Il ne devait guère y avoir de monde à cette heure-ci, et il constaterait très vite si Alessa y demeurait encore ou non. Silencieusement, il priait en faveur de ce cas de figure de toutes ses forces. Le bruit de ses pas clairement perceptible, le marin s'aperçut rapidement qu'en effet, le bar était désert... hormis une personne. Une silhouette qu'il aurait cru désormais possible de la reconnaître entre mille, même dans la foule la plus dense que Paris eut pu connaître aux heures de pointe. Dissimulant un sourire ravi, il avança sans la moindre hésitation, franchissant chaque seconde la distance qui les séparait avec une envie croissante. Ses yeux le trahissaient : ils pétillaient plus que jamais.
Furtivement et avec souplesse, il prit place sur le tabouret près d'elle, avec nonchalance, comme si ils ne s'étaient jamais croisés, comme si rien ne s'était passé dans cette chambre d'hôtel tellement banale ...

" Un scotch, s'il vous plaît ... "

Il patienta le temps de se faire servir et, prenant son verre lentement, le porta à ses lèvres, évitant soigneusement de croiser le regard d'une couleur troublante de son amante. Il murmura cependant à son intention, suffisamment fort pour qu'elle puisse l'entendre :

" Ne me faites plus jamais ça ... "

Une lueur malicieuse dans le regard, Ian se tourna enfin vers elle, un sourire en coin aux lèvres, afin de lui montrer qu'il n'y avait rien de méchant dans sa remarque, ou de remarque vexée. Puis, plus sérieux, il se pencha vers elle, murmurant plus bas encore mais sans la quitter des yeux :

" J'ai eu peur que vous ... "

Il soupira, haussant les épaules comme pour s'excuser d'avoir eu cette idée saugrenue, née de la crainte qu'elle ne se retire de sa vie aussi soudainement qu'elle y était entrée.

" Je sais, c'est ridicule ... "

Toujours souriant, il but une autre gorgée d'alcool avant de reposer doucement le verre sur le bois poli, produisant un son mat qui lui avait toujours plu.

" J'espère que ce n'est pas moi qui vous ai ainsi tiré du sommeil... et, surtout, que tout va bien... "

Dans un geste tendre, il posa sa main sur la cuisse d'Alessa, se sentant plus heureux et paisible que jamais.

" En effet, je compte bien vous faire tenir votre promesse quant à cette visite nocturne de Paris, ma chère ... Tous les chats seront gris... "

Il lui adressa un discret clin d'oeil. Plus que tout, il désirait lui faire comprendre que son statut d'hybride ne faisait que l'embellir un peu plus à ses yeux. Elle n'avait rien d'un monstre ou d'une créature difforme.

Elle était la beauté incarnée.

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