Retour aux Beaux Arts

J'espérais que Mr Schellinger serait là. Dans le cas contraire je l'attendrais. Le cours était dans une heure, mais j'espérais pouvoir lui grapiller au moins quelques minutes pour lui demander des conseils sur mon projet de fin d'année. Je m'étais lançée dans l'étude des oeuvres morbides d'Otto Dix. je n'étais pas de ces soi-disant gothiques aux idées noires qui parlaient tout le temps de se tailler les veines et ne vivaient que pour le morbide, j'aimais juste le style si impressionnant de cet artiste renommé. J'avais donc préparé un dessin qui se voulait dans le même style et la même esthétique. j'avais bien avancé dessus et il pouvait paraître terminé, mais chaque fois que je le regardais j'avais l'impression qu'il manquait quelque chose. Mais quoi ? Il fallait que je demande au prof d'éclairer ma lanterne.
La porte de la salle n'était pas verrouillée, j'entrai donc.

"Prof. Je voulais vous demander..."

Je m'interrompis. Mr Schellinger n'était pas là. Par contre, il y avait une étrange femme occupée à regarder les dessins exposés sur le mur. Plus précisément, elle était devant mon tableau intitulé "Bain de minuit". Il représentait une jeune fille se baignant nue dans un lac une nuit de pleine lune et qui était à moitié transformée en loup-garou. Bien sûr, les hybrides loups n'existaient pas, mais ça ne m'empêchais pas, comme beaucoup de monde, de fantasmer sur ces pirates de chair et de fourrure.

"Bonjour. Je...vous...ça vous plaît ?"

Je ne pus m'empêcher de rougir un peu. On m'avait dit que mon travail était remarquable, mais ça faisait toujours plaisir à entendre. Surtout que, vu l'éloquence de la critique, cette dame devait être une connaisseuse. Ce n'était probablement pas une simple passante, ni une étudiante. Serait-ce une nouvelle prof ?

"C'est...c'est moi qui l'ai fait. dis-je simplement, tortillant entre mes doigts les élastiques de mon carton à dessins. Qu'est-ce qu'il manque ?

Alessa ne fut pas mine d'être surprise lorsqu'Alicia lui avoua en être l'auteur. Au contraire, elle hocha la tête, un vague sourire aux lèvres.
Avisant une fois encore la jeune demoiselle, elle posa ensuite à nouveau son regard sur ses travaux, et pointa du doigt le poitrail de l'hybride qui figurait sur le tableau.

" Quand tu veux peindre un être vivant, il ne faut jamais oublier l'essentiel : lui donner vie.
On voit que ton personnage est vivant, bien sûr, tu l'as fait de telle sorte que ça ne peut que se comprendre. Le seul inconvénient... C'est qu'on ne lit pas la vie dans ses expressions. Quels sentiments éprouve-t-elle ? Est-ce de la crainte, d'être ainsi en proie à une bestialité qu'elle découvre peut-être tout juste ? Ou au contraire, de l'amour, d'enfin pouvoir changer de peau, de n'être plus une humaine aux desseins aussi sombres que tous les autres de sa race ? Peut-être se sent-elle enchaînée à cette bête, ou au contraire, libre quand elle se transforme...
La seule chose que je vois, c'est une esquisse d'hybride en pleine métamorphose. "

Elle se tourna alors complètement vers son interlocutrice puis, accompagnant ses propos d'un sourire amical, elle continua :

" Arrange-toi pour ne plus voir ta toile comme une toile, quand tu fais tes esquisses. Devant toi, tu as la scène que tu vas peindre. Tu ne dois pas faire que l'imaginer : vis-là, et ton personnage vivra aussi. "

J'écoutai avec attention les conseils de l'inconnue. Donner vie ? La crainte ? L'amour ? L'enchaînement ? La liberté ? Ne plus voir la toile comme une toile ? Comment ?

"Sentir la métamorphose ? Comme...quand je me transforme ?"

Je me rendis compte que je tenais des propos déplacés. Comment cette femme aurait-elle pu savoir que j'étais une hybride ? Je n'étais pas du genre à jouer le mystère là-dessus, mais je me rends compte que je développais une habitude de balancer ma vraie nature au visage des gens dès la première rencontre. Je décidai de changer de sujet.

"Oui...ça doit être comme pour mon projet du moment. Vous pourriez m'aider un peu là-dessus puisque le prof n'est pas là ?"

Sans attendre de réponse, j'ouvris mon carton à dessins sur une table et en tirai mon dernier dessin, celui d'Otto Dix. On y voyait un poilu et un soldat allemand de 14-18 au milieu d'un champ de barbelés. Le français enfonçait se baïonnette dans le ventre de l'allemand pendant que ce dernier vidait le chargeur de son pistolet dans la gorge du français.

"Tout ceux à qui j'ai demandé le trouvent parfait, mais moi je trouve qu'il manque quelque chose. Est-ce que vous pensez que là aussi ce sont les émotions ? Ce doit être ça. Ces deux soldats ressemblent trop à...à des soldats. Il faut qu'en les voyant on pense qu'ils ont chacun une mère ou une femme qui prie tous les jours pour qu'ils ne leur arrive rien et qui pleureront en recevant la missive lapidaire. j'ay ai pensé. Mais comment ?"

# Hybride, hein... #

" Pauvre idiote... Fais attention à ce que tu dis, surtout quand tu ne connais pas l'identité de ton interlocuteur. "

Ses propos n'étaient en rien des reproches, mais plutôt un appel à la prudence. D'ailleurs, elle les avait prononcés avec une certaine forme de douceur.
Il était vrai que cette jeune fille, si elle était vraiment une hybride comme elle l'avait laissé entendre, devait faire preuve de plus de prudence. Qu'aurait-elle fait si Alessa s'était avérée être un des Chasseurs ? Bien entendu, ça n'était pas le cas... Mais comment elle pouvait-elle le savoir ?
Fort heureusement, l'enfant changea de sujet, montrant de ce fait qu'elle s'était rendue compte elle-même de son erreur.
Lorsqu'elle demanda à Alessa un peu d'aide sur son projet, celle-ci se contenta de hocher la tête avec acceptation.

" Quel est ton prénom au fait ? ", demanda-t-elle tandis qu'elle lui présentait son carton de dessin et l'oeuvre qui s'y trouvait.

Elle observa quelques temps les travaux de la jeune fille, non sans une once d'admiration. Elle était douée, il n'y avait pas à dire. Et elle ne doutait pas du plaisir que pouvait ressentir son ancien professeur quant au simple fait d'avoir à nouveau une élève de la sorte dans sa classe.

" Tu es douée, il n'y a pas à dire. M. Schellinger doit être bien fier de toi, le connaissant. "

Elle glissa sa propre chemise de dessin entre ses jambes, posée au sol, puis observa avec plus d'attention l'oeuvre de la jeune fille. Les traits étaient vraiment fins et appliqués, elle faisait un excellent travail.
Alessa avait un sens de l'observation plus qu'aiguisé, c'est ce qui, depuis toujours, avait fait son talent avant le reste. Et sur ces travaux-là, elle ne voyait que peu de défaut, si ce n'était ce problème récurrent d'émotion.

" Tu sais ce qui fait l'atrocité de la guerre ? C'est qu'on enfonce dans la tête des hommes des idées qui les feront haïr un certain autre groupe d'hommes ; et qu'après cela, on les force, tous, même ceux qui ne veulent pas haïr, à tuer cet autre groupe d'homme.
Ce qu'il faut que tu retranscrives, sur les visages de ces hommes, ça n'est pas l'idée de leur famille restée en retrait. C'est l'atrocité de la demande qui leur a été faite.
A première vue, ces deux hommes s'entretuent car ils se haïssent, et parce que c'est la guerre et que les choses sont ainsi. Mais qui te dit que ces deux-là souhaitent vraiment tuer l'autre ?
C'est l'horreur qu'on doit lire dans leur regard. Ils sont forcés de tuer, car c'est ainsi que vont les choses, et parce que, comme tu l'as dit toi-même, si l'ennemi passe le front, c'est le peuple laissé au pays qui pâtira de cette défaite.
A quoi peut penser cet homme qui s'est fait transpercer et qui s'apprête à ôter la vie de son assassin, selon toi ? "

Oui, elle avait raison. C'était plus prudent de ne pas dire qui j'étais au premier venu. Papa me l'avait pourtant bien conseillé. Mais quelque part, je crois que c'était comme une provocation. Je n'avais jamais rencontré de chasseur, et quelque part je crois que je me disais que j'aimerais en voir un et lui demander pourquoi il faisait toutes ces atrocités.

"Mon nom ? Alicia."

Quand elle dit que Mr Schellinger devait être fier de moi, je fus encore plus fière. Effectivement, j'avais de bons résultats, mais si le prof était fier de moi il devait faire ce qu'il pouvait pour le cacher.
La guerre, oui, mais après ? à quoi devait penser l'allemand embroché ? Qu'est-ce que je penserais dans ce genre de cas, si je me faisais tuer en ayant le temps de regarder mon meurtrier dans les yeux ?

"Il...Il doit penser à sa famille. Il doit être à la foi triste et furieux de savoir qu'il ne la reverra plus jamais et...il veut se venger. Il veut que celui qui l'a tué ne revoie plus non plus sa famille. Pour rétablir une sorte d'équilibre qui en fait n'équilibre rien. Et le français...il a peur. C'est cette peur qui l'a poussé à embrocher l'allemand. La peur de la cour martiale, et de ce que l'allemand pourrait lui faire s'il ne le tuait pas avant. Oui...c'est la peur de l'inconnu. il ne connaît ce type ni d'Eve ni d'Adam, et il ne sait pas ce dont il est capable, alors il se raccroche au stéréotype de l'allemand bouffeur d'enfants que lui a servi la propagande."

"Il sait qu'il ne reverra jamais sa choucroute natale" aurait dit mon père. Je ne lui trouvais pas beaucoup de défauts, mais il avait tout de même celui d'être un peu germanophobe sur les bords.
J'ouvris ma trousse, pris ma gomme et mon crayon et m'attaquai aux visages grimaçants des personnages. Je mis une expression de peur au français et à l'allemand une grimaçe de colère, avec une lueur triste dans le regard.

"Vous connaissez Mr Schellinger ?"

Alessa trouvait l'analyse de la jeune Alicia très bien réalisée. Elle avait pris son temps pour y réfléchir et avait donné de bonnes réponses.

" Tu t'es mise à la place de ton personnage. C'est ce qu'il faut faire. Ne te contente jamais de dessiner. Vis ton oeuvre. "

Elle esquissa un sourire à l'attention de la jeune fille, puis l'observa faire ses quelques retouches. La voir ainsi à l'œuvre lui permit d'observer sa façon de faire, son geste, ses traits, l'intégralité de l'artiste qui vivait en Alicia.

" C'est déjà bien mieux comme ça, rétorqua-t-elle lorsque la demoiselle eut terminé le premier visage. Tu verras, à force d'entraînement, c'est quelque chose qui se fera tout seul, sans même que tu n'aies plus à y penser. "

Alessa savait cela parfaitement, car à ce jour, elle dessinait sans plus avoir à réfléchir. Les choses venaient spontanément, et les seules fois où elle devait s'attarder un peu plus longuement sur la réflexion, c'était lorsqu'elle avait d'importantes répliques à produire.
Puis, tandis qu'elle terminait ses retouches, Alicia demanda à Alessa si elle connaissait M. Schellinger. Celle-ci esquissa un vague sourire amusé, puis acquiesça d'un hochement de tête.

" Il a été mon professeur en première et seconde année, et a continué à me suivre le reste de mon cursus. Disons qu'aujourd'hui, il est un peu comme un mentor pour moi. J'ai quitté l'école il y a un peu plus de quatre ans maintenant, mais je continue de lui rendre visite régulièrement, et, à l'occasion, je lui montre quelques esquisses. Je lui dois bien ça, après ce qu'il m'a appris. "

"Aaah. Ok. Ok, ok, ok !"

Voilà qui expliquait sa présence en ces lieux. Elle avait l'air vachement calée, pourvu que je devienne aussi balèze qu'elle. En tout cas, j'étais heureuse qu'elle ait pu m'aider. En effet, maintenant que j'avais retouché l'expression des deux soldats, on y croyait plus. Il ne me restait plus qu'à fignoler et à mettre en couleur et mon examen de fin d'année était dans la poche. Mais assez parlé de moi...

"Et Vous ? Je peux voir ce que vous dessinez ? Qu'est-ce que vous faites dans la vie, au juste ?"

Cette Alicia avait vite compris le principe émotif des oeuvres. C'était une bonne chose pour elle, et Alessa était, d'une certaine façon, contente d'avoir pu éclairer quelque peu sa lanterne.
Finalement, l'attention de la jeune étudiante se porta sur Alessa elle-même et ses propres oeuvres.
Il fallait s'attendre à ce qu'à un moment ou un autre elle fasse une demande de la sorte. Et Alessa n'était pas complètement contre le fait de lui montrer quelques une de ses esquisses.
Elle se baissa pour ramasser son carton à dessin, puis le déposa sur le bureau du professeur, à quelques pas d'ici.
Là, elle l'ouvrit et invita Alicia à venir juger par elle-même, tandis que dans un même temps, elle répondait à ses questions.

" Eh bien, dans l'immédiat je ne fais pas grand chose d'officiel. Je passe la majeure partie de mon temps à restaurer des toiles, pour le compte de particulier le plus souvent, mais aussi de professionnels, et bien entendu, lorsque M. Schellinger me le demande, j'interviens parfois lors de ses cours, ou fait des conférences au sein de l'école. "

La première oeuvre qui apparaissait dans le carton à dessin d'Alessa était une esquisse au fusain représentant en gros plan le visage d'une jeune femme dont les iris étaient de simples fentes ; la suivante, représentait une panthère tachetées, allongée dans les fourrés, observant la proie qu'elle allait attaquer. Les détails étaient impressionnants, mais ce qui était le plus flagrant, c'était tout ce que les regards des "personnages" pouvaient dire, qu'ils soient humains, ou félins.
Il était évident qu'Alessa était passée maître en ce domaine qu'Alicia venait tout juste de découvrir. Et quoiqu'elle dessine, la jeune femme savait y intégrer les émotions nécessaires et ressenties.
Les autres oeuvres étaient des toiles, l'une représentant Montmartre sous les lumières de minuit, l'autre la Cathédrale Notre-Dame vue de la place Jean-Paul II sur laquelle on voyait, par delà les lumières intérieures de la grande rosace, une ombre, une silhouette, celle d'un hybride félin ; quant à la dernière toile, c'était une reproduction parfaite de La Naissance de Vénus, par Botticelli.
A la vue de cette dernière toile, Alessa esquissa un sourire avant d'ajouter :

" Et sinon, à mes heures perdues, je reproduis les plus belles oeuvres à mes yeux. "

"C'est...c'est magnifique..."

Les toiles de l'inconnue représentaient tout ce que j'avais imaginé en me lançant dans la course aux Beaux-Arts. Cette beauté, ce trait, ces expressions... C'était du Mozart qui jouait du clavecin. Elle semblait bien aimer les hybrides, c'était ma veine.

"J'aimerais vous demander quelque chose. Votre nom, bien sûr, pour commencer... Et aussi...est-ce que vous accepteriez de me donner des cours du soir ?"

Je n'avais pas beaucoup de temps libre et je ne roulais pas sur l'or malgré l'aide financière de mon père, ma bourse d'étude et ce que je gagnais en travaillant à la boutique de fringues. Mais à cet instant, j'aurais donné n'importe-quoi pour arriver à un tel résultat.

" Merci. Je suis persuadée que tu serais capable d'un résultat similaire voire peut-être même meilleure... à condition de le vouloir bien sûr. Il faut que tu continues en tout cas et que tu ne laisses jamais aucun conseil de côté, quel qu'il soit. "

Elle laissa encore à Alicia l'opportunité d'observer quelques instants ses toiles, puis les rangea à nouveau. Elle savait que lorsque le professeur arriverait elle devrait les ressortir, mais en attendant, il était inutile de les exposer pour rien à la lumière artificielle.

" Nous avons des noms similaires, rétorqua-t-elle lorsqu'Alicia lui demanda son identité. Je m'appelle Alessa. "

Elle esquissa un sourire sympathique, puis rabattant les élastiques à chaque coin de son carton à dessin, elle ne montra pas sa surprise lorsqu'Alicia lui demanda s'il était possible d'avoir des cours du soir.
Elle observa la jeune fille quelques longues secondes durant, puis hocha la tête en signe d'affirmation, non sans une lueur d'intérêt dans le regard.

" Avoir une élève telle que toi serait un véritable honneur, Alicia. Et je suis bien loin d'être contre cette idée. Je dirais même que ça me ferait plaisir de t'enseigner ce que je sais. "

Alessa n'avait aucune raison de refuser. Qui plus est, elle voyait en la personne d'Alicia quelqu'un de susceptible de comprendre son véritable art: la reproduction parfaite.
Peut-être était-il temps pour elle d'enseigner ses méthodes peu... conventionnelles.

Je faillis sauter de joie quand elle accepta. Avec son instruction, je deviendrais bientôt super forte. J'arrivais déjà à gagner quelques euros en dessinant des commandes pour des gens sur internet, mais avec un diplôme en poche ça pourrait devenir un vrai revenu. Mes projets, la boîte de nuit gothique, tout ça me repassa en tête. J'avais été drôlement bien inspirée de venir plus tôt aujourd'hui.

"Vraiment ? C'est super, c'est... Enfin...merci. Combien est-ce que vous prennez pour un cours ?"

" Je ne te prendrai rien. Ce que je fais est relativement bien payé, et si je peux rendre service, alors ça me convient.
Cela dit, à l'occasion, si j'ai besoin d'un petit service, il se peut que je me tourne vers toi. "

Elle lui envoya un clin d'oeil accompagné d'un sourire quelque peu taquin, puis jeta un oeil à sa montre. Il était étrange que M. Schellinger ne soit pas encore en classe. Il avait toujours eu cette habitude de venir tôt. Peut-être était-il malade, ou avait-il eu un imprévu.
C'était dommage... Elle aurait tant voulu le revoir.

" Tu peux me dire ce que tu comptes faire avec ton diplôme ? Ca m'aiderait à orienter tes "leçons" du soir... "

Elle chercha ensuite un petit calepin dans une des poches de son veston, puis écrivit sur une petite page vierge l'adresse de son appartement, sur Montmartre.
Malgré tous ses secrets, Alessa n'avait pas peur d'inviter la jeune fille. Car quand bien même elle était une personne controversée et hors-la-loi, elle restait aussi prudente et vigilante. Ainsi, rien sur elle ne filtrerait.

"Un service ? Pas de problème. C'est très gentil à vous."

C'était la providence qui avait mis cette femme sur mon chemin. Je pourrais même sécher quelques cours pour passer plus de temps à travailler avec elle...si elle le voulait bien. Il ne me vint même pas à l'idée de lui demander ce qu'elle entendait par "petit service". Peu importe, je l'aurais même aidée à faire disparaître un cadavre si elle me l'avait demandé. Je fus juste un peu étonnée qu'elle me demande ce que je comptais faire de mon diplôme.

"Et bien... Je pourrais passer pro et gagner de l'argent pour accomplir mon rêve à long terme. En fait, je voudrais ouvrir une boîte de nuit gothique dans Paris. J'avais pensé à l'installer dans une église abandonnée, l'acoustique y est excellente. J'ai déjà discuté avec le propriétaire, il est prêt à me la céder pour une somme honnête, mais trop élevée pour mon porte-monnaie. Vous pourriez même devenir partenaire, si ça vous tente"

Cette fille avait donc un rêve bien précis qu'elle semblait avoir bien ancré dans la tête.
C'était un point intéressant. Peut-être qu'elle pourrait lui proposer un marché, un jour, et lui permettre de réaliser son rêve en échange de quelques petites choses "anodines"...
Quoiqu'il en soit, Alessa était visiblement tombée sur la bonne élève: elle n'aurait pas pu rêver mieux.

" Eh bien, tu as de l'ambition et tu sais ce que tu veux. C'est une bonne chose. Peut-être que si nous nous entendons bien et si tu fais du bon travail je t'aiderai à fournir les fonds nécessaires à ton rêve.
Qui plus est, une boîte gothique... Je trouve que c'est une excellente idée ! Ça va me rappeler mes belles années adolescentes tout ça. "

Elle esquissa un sourire amusé, puis observa à nouveau sa montre.

" Mh, dis voir, tu avais cours avec M. Schellinger aujourd'hui ? "

Si la réponse était oui, alors il était évident qu'il ne viendrait pas... Mais peut-être devrait-elle d'abord s'en assurer en passant en salle des professeurs ?

*Oh ! Génial !*

Cette dame me tombait vraiment du ciel. En quelques minutes j'avais trouvé un professeur particulier et une associée pour la boîte de nuit.

" Mh, dis voir, tu avais cours avec M. Schellinger aujourd'hui ? "

"Et bien...oui. J'espérais le voir avant. Mais le cours va bientôt commencer, et s'il n'arrvie pas vite ça voudra dire qu'il est absent. Dommage. Enfin bon. Je n'aurais pas perdu mon temps."

Alors comme ça elle était sensée avoir cours avec lui dans pas longtemps. Alessa ne put cacher bien longtemps sa déception et sa gêne.
En effet, elle avait préparé une de ses esquisses spécialement pour son ancien professeur, et elle savait que ce petit cadeau lui aurait fait plaisir.
Laissant échapper un petit sourire embarrassé, elle repositionna son carton de dessins sous son bras, et avisa Alicia un instant.

" Bon, eh bien j'imagine qu'il ne viendra pas... J'espère qu'il va bien. Enfin, bref... "

Elle avisa sa montre, puis bloqua quelques instants sur Alicia avant d'esquisseer un petit sourire en coin.

" J'imagine que tu as un peu de temps libre, du coup, n'est-ce pas ? "

Ouais. Ni prof, ni élèves. à tous les coups le prof avait annoncé qu'il serait absent et les autres élèves n'avaient pas daigné m'en avertir. Ils ne m'aimaient pas beaucoup, sans doute étaient-ils jaloux. Bon, le fait que je sois une hybride devait peut-être jouer un peu pour certains.

" J'imagine que tu as un peu de temps libre, du coup, n'est-ce pas ? "

"Ah ben....oui. En fait, ça me libère toute l'après-midi. Pourquoi ? Vous avez quelque chose en tête ?"

Elle avait l'après-midi de libérée. C'était une bonne chose, cependant, Alessa lui avait demandé ça sans vraiment savoir quoi lui proposer derrière.

" Tu as peut-être envie de faire autre chose, mais... je demande quand même, sait-on jamais. Ça te dirait un petit bout d'après-midi avec moi ? "

Elle ne savait pas encore quoi lui proposer. Peut-être une simple balade en ville, un verre dans un bar, ou plus sérieusement, une visite de ses appartements, et quelques premières leçons "du soir"... Tout dépendait.

" Tu as envie de faire quelque chose en particulier peut-être ? Je t'ai proposé ça, parce que je me disais que ça pourrait être bien de commencer à faire un peu connaissance. Qu'en dis-tu ? "

Elle avisa la jeune fille de son regard bleu nuit, puis esquissa un sourire amical.
Maintenant qu'elle y pensait, elle était bien curieuse de découvrir quel genre d'hybride elle pouvait bien être.
Espérons seulement qu'elle ne s'avèrerait pas être un de ces canidés qu'Alessa haïssait tant.

"Oh...je ne sais pas."

J'aimais bien sortir, mais la plupart des endroits où j'aimais aller n'ouvraient qu'à la tombée de la nuit. Ouais, faire un peu connaissance serait bien. Après tout, nous étions sur la même longueur d'ondes, mais ce serait bien d'en savoir un peu plus l'une sur l'autre avant ce commencer à bosser.

"Si vous connaissez un coin sympa je vous suis. Sinon on peut aller chez moi...ou chez vous."

Je me demandais à quoi ressemblait sa piaule. On dit qu'un domicile reflétait la personnalité de son propriétaire. J'imagine que celui d'Alessa devait être décoré avec goût.

" Tu n'as pas peur d'ainsi suivre une étrangère dans son antre ? ", rétorqua-t-elle avec une certaine pointe d'humour.

D'une certaine façon, ce qu'elle disait n'était pas complètement faux, et elle persistait à penser qu'Alicia faisait preuve de bien trop de négligence quant à sa propre sécurité. Peut-être que si Alessa parvenait à lui ouvrir les yeux sur la réalité de la violence des Chasseurs, celle-ci deviendrait plus prudente.
Mais là n'était pas encore la question. Qui plus est, Alessa non plus ne pouvait encore être sûre que sa nouvelle élève soit réellement une hybride.
Mais ça, elle aurait tout le temps de le vérifier par la suite.

" Est-ce que tu vis encore chez tes parents ? "

Présentée comme ça, la question pouvait paraître quelque peu déplacée. Mais là n'était pas la véritable ambition d'Alessa, si bien, que dès qu'elle eut finit sa phrase, elle laissa échapper un léger rire amusé.
Il était vrai qu'elle était curieuse de découvrir le monde de cette enfant, mais d'un autre côté, peut-être serait-il préférable pour elles deux de tout simplement commencer par le commencement, sans presser les choses, dans un lieu public, comme le font toujours les gens normaux.

" Je te propose volontiers mon appartement, si tu n'as pas peur du bazar, le cas échéant, peut-être qu'un simple tour dans un bar serait suffisant pour commencer. Qu'en dis-tu ? "

"Tu n'as pas peur d'ainsi suivre une étrangère dans son antre ? "

"Oh. Non. Rassurez-vous, j'ai plus de ressources que je n'en ai l'air. De nos jours une femme doit savoir se défendre. Et puis pour devenir aussi bonne dessinatrice que vous je suis prête à courrir le risque."

Et puis franchement, si elle avait eu pour but de m'attirer chez elle pour me faire je ne sais quoi, elle n'aurait pas remis en doute le fait que je n'aie rien à craindre d'elle....à moins que ce ne soit un piège...ou au contraire qu'elle ne veuille me faire croire que c'est un piège et... Oh et puis zut !

" Est-ce que tu vis encore chez tes parents ? "

"Non. Mon père fait sa retraite dans le Midi, j'ai un appartement en ville, seule."

J'avais justement la chance d'avoir un apparetement et d'être propriétaire parce que mon père m'avait tout payé. C'était d'ailleurs la seule aide financière que j'avais acceptée de sa part.

" Je te propose volontiers mon appartement, si tu n'as pas peur du bazar, le cas échéant, peut-être qu'un simple tour dans un bar serait suffisant pour commencer. Qu'en dis-tu ? "

"Parfait ! je vous suis."

Elle prétendait savoir se défendre... Alessa était curieuse de pouvoir découvrir les prétendues ressources de la jeune fille. Car après tout, si comme elle, elle était une combattante, elles n'en seraient que plus amies.

" Très bien. Dans ce cas... "

Elle avisa la salle, puis se dirigea vers le bureau du professeur où elle laissa une carte de visite. Bien entendu, ça n'avait rien à voir avec elle, mais c'était un petit jeu qu'elle avait avec M. Schellinger. La carte était réalisée avec un petit rectangle de papier vieilli, sur lequel était écrit d'une calligraphie parfaite : "Kunst is toegevoegd aan de mens de natuur", et c'était très habilement signé Van Gogh.
La reproduction manuscrite était pour ainsi dire parfaite. Et Alessa n'en était pas peu fière.

"Non. Mon père fait sa retraite dans le Midi, j'ai un appartement en ville, seule."

" Oh, c'est une bonne chose ça. Un peu d'autonomie, ça ne fait pas de mal... "

Elle s'en retourna ensuite à Alicia, puis après lui avoir sourit et avoir acquiescer à ses derniers propos. La jeune fille avait accepté, et Alessa avait décidé de la mener dans son antre, sans vraiment savoir si Alicia avait donné son accord pour cette première option, ou pour le bar...

( Je poste la suite du sujet d'ici 5mn, dans Paris Nord ICI )