Souvenirs... Part two. [Vesper]

Le fait qu'il accepte sa proposition de venir prendre un café l'avait réjouit. D'un petit hochement de tête, elle l'avait précédé de quelques pas, le sourire toujours aux lèvres, et quelques minutes plus tard, ils arrivaient dans la rue de Paradis. Elle avait privilégié quelques instants de silence, ils auraient tout le temps de parler une fois arrivés. Et les quelques mètres qui les séparaient du numéro huit ne tardèrent pas à disparaître. Seulement, devant la porte, se dressait une silhouette masculine aux cheveux noirs, à la peau légèrement hâlée, et aux yeux verdoyants. A la vue de Solène aux côtés de Vesper, le garçon éclata de rage :

- Mais t'étais où bordel ?! Ca fait une heure que j'essaie de t'appeler pour savoir si tu es bien rentrée, et au lieu de ça je te retrouve en train de marcher tranquille avec ce type ?

Esquissant un sourire, la blondinette répondit, d'un ton tout à fait agréable :

- Cela vaut mieux que si je n'étais jamais rentrée, non ? Voici Vesper, Julien, il m'a protégée de deux hommes ivres qui m'avaient suivie en sortant du bar.

Le brun soupira longuement, et la prit dans ses bras, comme soulagé qu'elle aille bien.

- Depuis le temps que je te dis d'investir dans un portable ! Enfin bref, je suis content que tu n'aies rien. Merci mec, tu peux partir maintenant.

Solène retint un léger rire nerveux, et se défit rapidement de cette étreinte, avant de lui lancer :

- Navrée Julien, mais c'est toi qui pars.

- Raaah, même mes lettres ne suffisent pas alors...

Solène ouvrit la porte, fit signe à Vesper d'entrer, et répondit à Julien :

- On ne va pas en reparler, tu connais mon ressentis vis-à-vis de toi...

- Ouais... T'es pas facile comme fille, hein ! On se voit en cours. Bonne nuit So'.

Elle lui souhaita également la bonne nuit, et referma la porte. Là, elle se déchaussa, posa ses clés sur la petite table, accrocha son manteau, puis s'adressa à Vesper :

- Excusez-moi pour ce léger imprévu. Vous pouvez déposer vos affaires ici si vous voulez. Elle ouvrit la porte où était inscrit Patrick Després, puis reprit : Je vais chercher la malette de soin, vous pouvez monter l'escalier en attendant.

Une fois la porte ouverte, on pouvait voir les deux grandes photos accrochées au mur, l'une de sa mère, l'autre d'elle-même, dos nu, drapée. Elle revint quelques secondes plus tard avec une petite malette de soins en main, et ferma la porte. Son père était absent, comme souvent. D'ailleurs, elle ne l'aurait certainement pas convié s'il avait été là. Elle soupçonnait Vesper de ne pas être humain, à cause du feu qu'il avait fait apparaître dans sa main précédemment, et, puisque son père était devenu chasseur, il aurait été imprudent de l'amener ici.

- Et voilà, je l'ai. Lui laissant le loisir de gravir les escaliers, tout sourire. Après vous, c'est ouvert.

Le fait qu’il accepte de venir avait l’air de plaire à la jeune femme. Ils firent le chemin en silence, Vesper en profitant pour fumer tranquillement sa cigarette tout en restant en retrait pour observer Solène. La suivant tranquillement, ils finirent par arriver devant chez elle où un jeune homme aux cheveux noirs semblait les attendre.

« Mais t'étais où bordel ?! Ca fait une heure que j'essaie de t'appeler pour savoir si tu es bien rentrée, et au lieu de ça je te retrouve en train de marcher tranquille avec ce type ? »

« Ce type » ? Pour qui se prenait-il ? La politesse ne s’enseignait donc plus de nos jours ? Son ton ne lui plaisait pas du tout. De quel droit lui demandait-il ainsi où elle était, alors qu’il n’était pas son père ? La conclusion la plus plausible ne lui plaisait pas vraiment. Le petit-ami ?

« Cela vaut mieux que si je n'étais jamais rentrée, non ? Voici Vesper, Julien, il m'a protégée de deux hommes ivres qui m'avaient suivie en sortant du bar. »

Julien… Une sorte de frustration le prit en le voyant prendre la petite Solène dans ses bras. La petite Solène ?

*Reprends-toi Vesper.*

Solène n’était plus l’enfant qu’il avait tenu dans ses bras, il devait arrêter de penser comme ça. Elle faisait bien ce qu’elle voulait, et fréquentait qui elle voulait.
L’important, c’était d’y croire…

« Depuis le temps que je te dis d'investir dans un portable ! Enfin bref, je suis content que tu n'aies rien. Merci mec, tu peux partir maintenant. »

*Pardon ?*

Si son visage ne laissait rien paraitre, il bouillonnait intérieurement. Ce garçon ne lui plaisait pas le moins du monde. D’accord, c’était peut-être son petit-ami, mais… Mais rien. Vesper ne trouvait pas quoi se répondre à lui-même. Retenant un soupir, il s’apprêtait à le laisser gagner, à les saluer de la tête et à repartir.
Du moins, jusqu’à ce que Solène réponde au dénommé Julien que c’était lui qui partirait en se défaisant de son étreinte. Vesper, à quelques pas derrière eux, posa son regard sur Solène. Lui, partir ?

« Raaah, même mes lettres ne suffisent pas alors... »

Ses lettres ? Une lueur infime apparut dans le regard de Vesper. Le jeune homme n’était en fait qu’un prétendant ? Quelque part, il en était soulagé. Il entra en évitant le jeune homme, toujours attentif à la conversation.

« On ne va pas en reparler, tu connais mon ressentis vis-à-vis de toi... »

« Ouais... T'es pas facile comme fille, hein ! On se voit en cours. Bonne nuit So'. »

Il était à présent complètement apaisé. C’était apparemment uniquement un prétendant, qui, s’il interprétait les propos de Solène, avait déjà tenté sa chance sans succès. Il se retourna vers elle quand elle ferma la porte, et l’observa se déchausser, poser ses clés et accrocher son manteau en silence.

« Excusez-moi pour ce léger imprévu. Vous pouvez déposer vos affaires ici si vous voulez. Je vais chercher la malette de soin, vous pouvez monter l'escalier en attendant. »

Le temps qu’elle disparut derrière la porte, il se déchaussa et accrocha son manteau comme elle l’avait fait. Il jeta ensuite un coup d’œil derrière la porte où le nom du mari de Katerina était inscrit, et vit les photos au mur. Il observa d’abord la photo de la fille, puis celle de la mère, dont le visage était resté le même après une décennie.

*As-tu vue Solène récemment, Katerina ? Elle est devenue magnifique, le sais-tu ?*

L’apparition dans son champ de vision tira Vesper de ses pensées. Il observa la mallette qu’elle tenait, et, lui rendant son sourire, il gravit les escaliers.

Ils franchirent la porte d'entrée après avoir monté les escaliers. Solène referma la porte du palier. L'entrée donnait directement sur le salon, peint et décoré dans les tons noirs, rouges et blancs, comme le reste de ses quartiers d'ailleurs. Elle réfléchit un instant, puis se dirigea dans la cuisine américaine, à travers laquelle on pouvait donc voir le salon puisque le principe est qu'un mur donne une forme de comptoir, et mit en route la bouilloire.

- Faites comme chez vous, Vesper. Je vais aller nettoyer ce coude pendant que l'eau chauffe.

Elle revint au salon, et prit la direction de la salle de bain. Cinq minutes plus tard, elle revenait avec le coude propre, mais sans bandage, parce que ça facilite la cicatrisation. Elle sortit l'eau de sur le feu, et se mit à la recherche de café et d'infusions.

- Vous préférez un café, un thé, ou autre chose ?

Elle sortit deux tasses du placard, lui esquissa un sourire, et revint au salon afin de rassembler ses livres de cours qui étaient posés sur la petite table basse, se redressa en les tenant comme elle pouvait, et dit :

- Venez, je vous fais visiter si vous voulez, l'eau doit être brûlante, il faut la laisser refroidir un peu.

Elle lui emboita le pas, pensant qu'il se fichait peut-être pas mal de visiter ou non. Après tout, ce n'était pas un palace mais un simple petit lieu de vie. Mais, Solène était polie, et apparemment c'était la coutume de faire visiter son chez soi. Elle avança jusqu'à la première porte, sa chambre, dans laquelle elle entra, et posa ses affaires. Puis lui présenta chaque pièce, brièvement mais sûrement.
Elle revint à la cuisine, servit les deux tasses, qu'elle posa sur la petite table basse, et s'assit sur le canapé. Malgré son manque d'assurance à cet instant précis, elle ne se sentait pas mal à l'aise pour autant. Une question lui brûlait les lèvres cependant, et elle ne tarda pas à lui en faire part :

- Tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez retrouvé ce que vous cherchiez dans cette rue...

Inutile de finir, il avait sûrement compris qu'elle s'interrogeait sur ce que c'était. La raison en était qu'elle ne l'avait pas vu ramasser quoi que ce soit. Peut-être cherchait-il un souvenir, comme elle ? Ca ferait beaucoup de coïncidences pour une première fois. Enfin, avec un petit sourire gêné, elle reprit :

- Excusez-moi, ma curiosité me perdra.

C'est vrai, après tout, elle n'était qu'une inconnue pour lui, à première vue, et il était déplacé de l'interroger de la sorte, non ?

Vesper regarda autour de lui. Un duplex… c’était une bonne idée. Ainsi, elle avait comme son propre appartement, tout en pouvant compter sur la proximité de son père en cas de problème. Vesper n’aurait pas pensé à peindre son salon en noir, même avec d’autres couleurs à côté. Le noir lui faisait penser à l’absence de lumière. Le noir lui faisait penser à son alter-ego. Il arrêta là l’observation du décor.

Il suivit donc du regard Solène qui allait dans la cuisine qui était visible depuis le salon. Elle mettait une bouilloire sur le feu.

« Faites comme chez vous, Vesper. Je vais aller nettoyer ce coude pendant que l'eau chauffe. »

Alors il alla s’installer dans le canapé, regardant à nouveau autour de lui une fois que Solène eut disparu pour aller désinfecter. En fait, ce n’était pas si laid, même s’il ne ferait jamais pareille peinture. Chez lui, tous les murs étaient blancs. Au moins, il gagnait plus de clarté, vu le peu de lumière qui passait par les minces fenêtres. De toute façon, dès qu’il pourrait, il changerait d’appartement. Il n’avait pas l’ambition d’habiter un si grand duplex, il n’aurait jamais assez d’argent pour, lui qui ne savait pas tenir un métier stable.

Il releva la tête vers Solène quand elle revint. Elle n’avait pas de bandage ou pansement, mais on voyait bien que l’écorchure avait été nettoyée.

« Vous préférez un café, un thé, ou autre chose ? »

- Il me semble que je suis venu pour un café, dit-il en souriant.

Il l’observa sortir les tasses puis revenir pour débarrasser la table de ce qu’il identifiait comme des livres de cours. Après tout, Vesper n’étant pas de cette époque, il ne reconnaissait pas les manuels.

« Venez, je vous fais visiter si vous voulez, l'eau doit être brûlante, il faut la laisser refroidir un peu. »

Il se leva et la suivit écoutant attentivement sa présentation. Oui, il était intéressé par l’endroit où elle vivait. Il l’accompagna ensuite, s’appuyant sur le bar qui séparait la cuisine du salon tandis qu’elle servait les tasses. Il alla ensuite s’installer sur le canapé, pas trop près de Solène. Il aurait été malpoli de se coller à elle. Il portait sa tasse à ses lèvres quand elle reprit la parole.

« Tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez retrouvé ce que vous cherchiez dans cette rue... »

Et elle allait lui demander ce qu’il avait retrouvé. Le fait était que ce n’était pas qu’il ne voulait pas, mais qu’il ne pouvait pas le lui dire. Il ne se voyait pas dire à la jeune femme « Je cherchais une enfant de trois ans et sa mère et je les ai retrouvées toutes les deux ». Solène serait peut-être choquée d’apprendre ainsi d’où ils se connaissaient, et elle lui poserait sûrement bien trop de questions sur sa mère. Et l’idée de lui annoncer que sa mère était à présent vampire ne lui plaisait pas vraiment.

« Excusez-moi, ma curiosité me perdra. »

Ouf… Il l’avait échappé belle. Il posa un regard gentil sur elle, et un sourire naquit sur ses lèvres.

- Si nous faisons plus ample connaissance, je vous le dirai sûrement.

Ça oui, il le lui dirait…

Le canapé sur lequel ils étaient assis pouvait contenir trois personnes de largeur moyenne, ainsi, ils pouvaient tous deux se mettre à leur aise, sans être trop proches, et sans être trop éloignés pour autant. Une proximité de distance raisonnable pour deux personnes qui viennent de se "rencontrer". Depuis quand le cuir du canapé n'avait pas reçu d'autre fessier que celui de Solène ? A vrai dire, à part son père, elle avait rarement ramené des gens chez elle. Même ses amis de l'université ne venaient pas, c'est elle qu venait. Elle avait bien trop peur des réactions imprévisibles de son père pour ça. Après tout, elle ne pouvait pas être certaine que toutes ses connaissances étaient humaines, et elle doutait fort que ce soit le cas. Alors, si par malheur il arrivait quelque chose à l'un d'entre eux juste parce qu'elle l'aurait emmené ici... Tout compte fait, elle ne préférait pas y penser. A quoi bon avoir des idées noires, puisqu'elle était en bonne compagnie ?

L'alusion qu'elle fit ne sembla pas le froisser, au contraire, Vesper déclara qu'il lui dirait ce qu'il avait perdu, cherché, puis retrouvé, s'ils faisaient plus ample connaissance. Le tout accompagné d'un charmant sourire. Evidemment, ce n'était pas pour déplaire à Solène, mais si elle faisait connaissance avec lui, ce ne serait pas pour en tirer profit. Elle n'était pas si avide que ça, d'ailleurs, profiter de quelqu'un n'était pas son genre du tout.

- Vous m'en voyez ravie, mais, si j'envisage d'apprendre à vous connaître davantage, c'est simplement parce que j'en ai envie, et non pas pour vous soutirer quelque information personnelle qui ne me regarde pas, dit-elle en souriant de manière toujours aussi spontanée.

Après quoi, elle déposa un thermomètre dans sa tasse. N'importe qui l'aurait prise pour une fille dérangée en la voyant faire cela, mais son geste était indispensable. De fait, son ICD l'avait même rendue insensible aux brûlures, Solène était bel et bien incapable de sentir le froid, ou le chaud. La température avait toujours été tiède pour elle. Un jour en Norvège, alors que les flocons avaient envahi les rues, elle avait même failli perdre ses doigts. Jeune, insouciante, elle avait bataillé contre des gamins de son quartier, et avait formé ses boules à la main, sans gants. Au fur et à mesure, elle avait eu du mal à bouger ses doigts, qui avaient fini par gonfler et rougir beaucoup trop. Heureusement, son père était toujours dans le coin pour veiller à ce qu'il ne lui arrive rien de grave.
Elle ressortit finalement le thermomètre, qui indiqua une température à laquelle elle pouvait se permettre de boire. Elle avait préféré le chocolat chaud au café, porta la tasse à ses lèvres, et s'en délecta dès qu'elle fut sûre de son coup. Les quelques gorgées lui adoucirent la voix, et en reposant la tasse sur la table, Solène laissa apparaître une petite moustache légèrement chocolatée au niveau de sa lèvre supérieure.

- Vesper, prononça-t-elle doucement, j'imagine que ce n'est pas français. Vous venez de l'est, non ?

Elle avait plusieurs questions à vrai dire, mais elle ne voulait pas lui faire passer d'interrogatoire non plus. Elle avait lancé la première question, le reste se ferait naturellement. Elle le regarda, sans avoir remarqué sa lèvre chocolatée, et esquissa de nouveau un sourire.

« Vous m'en voyez ravie, mais, si j'envisage d'apprendre à vous connaître davantage, c'est simplement parce que j'en ai envie, et non pas pour vous soutirer quelque information personnelle qui ne me regarde pas. »

*Qui ne te regarde pas ? Tu en es sûre ?*

En fait, elle n’avait aucun moyen de le savoir c’était vrai. Il lui sourit en retour, et observa le thermomètre qu’elle plongea dans son chocolat. Évidemment, elle ne sentait pas les différences de température. Si c’était trop chaud, elle pourrait se brûler sans le savoir. Apparemment satisfaite de la température de son chocolat, elle but enfin. Vesper en profita pour reprendre quelques gorgées avant de poser délicatement son verre sur la table. Il ne put retenir un sourire à sa moustache de chocolat. Il se garda tout de même de le lui signaler. Après tout, elle le remarquerait peut-être d’elle-même.

« Vesper j'imagine que ce n'est pas français. Vous venez de l'est, non ? »

Elle lui sourit, mais ne sembla pas remarquer la moustache. Son sourire s’agrandit, et, comme il l’aurait fait dix-sept ans plus tôt, il passa le pouce sur sa lèvre supérieure pour y retirer le chocolat. Son sourire n’était pas le moins du monde moqueur. Il souriait comme on sourirait à un enfant dans la même situation, un sourire gentil qui laissait savoir qu’elle n’avait pas à avoir honte, ou a être gênée de ça.

Il pensa alors plus en détails à la question. Il ne s’était jamais vraiment demandé où il était né. Il savait que ça s’appelait l’URSS auparavant mais n’avait jamais cherché où exactement il avait vu le jour. Et ses souvenirs étaient trop lointains pour qu’il puisse retrouver tout ça. D’ailleurs, sa ville natale n’était peut-être même plus sur la carte. Mais pouvait-il vraiment dire qu’il venait d’URSS ? En faisant ça, il ne faisait que se déclarer vampire, puisqu’il n’avait pas l’allure d’un vieillard. Il décida donc de répondre ce à quoi pensaient tout de suite les gens quand on leur disait URSS.

- Effectivement. Je viens de Russie. Et vous ?

Non pas qu’il voulait vraiment le savoir – il le savait déjà – mais elle pourrait trouver cela étrange qu’on ne lui demande pas. Et puis ça lui permettait d’entendre sa voix si agréable à l’oreille.

Distraitement, il suça le chocolat sur son pouce.

Est-ce qu'une simple question a le pouvoir de renverser totalement une situation ? Elle eut pourtant le temps de voir son geste arriver, mais elle ne bougea pas, elle était comme tétanisée. Vesper venait de passer son doigt sur sa lèvre du haut. Evidemment, elle comprit rapidement que c'est parce qu'elle avait un trait de chocolat sur cette dernière. Néanmoins, elle se sentit désemparer, et sentit comme un trop grand battement de coeur. Ses yeux vairons étaient fixés sur son visage, brillants, mais intérieurement, elle était ailleurs, elle était absente. Elle avait l'impression d'avoir attéri dans une autre dimension, à la fois présente dans ce monde, mais à mille lieux de là. Et ce sourire qu'il arborait, qui se voulait plus protecteur et attendri que moqueur, n'arrangea rien à son état de léthargie. Qu'est-ce qu'il venait de se passer exactement...

Elle entendit sa voix sonner doucement à ses oreilles malgré tout, mais elle ne distingua que partiellement la silhouette de ses mots. Les battements de son coeur se ressentaient jusque dans ses tempes, et soufflaient un parfum incertain. Oui, les quelques secondes qui s'étaient écoulées avaient eu un effet de tempête dans tout son corps, même son âme elle-même avait été touchée. Troublée, Solène dévia son regard au moment où il portait ce même doigt qui avait frôlé ses lèvres à sa bouche. Ce geste avait été aussi automatique que celui qui lui avait été donné précédemment. Elle resta silencieuse un instant, et se mit à fixer le chocolat chaud. Les mots de sa réponse quant au retournement de la question sortirent tous seuls :

- D'ici, et de Norvège.

Elle cligna des yeux comme pour s'obliger à se réveiller, et reposa son regard sur Vesper. Elle détailla son visage plus intensément puisque la lumière du salon le lui permettait. Chacun de ses traits, aussi fins et parfaits qu'ils soient, ne semblaient pas lui être inconnus. Ce sourire ne lui était pas inconnu. Elle approcha son visage du sien pour mieux le voir. Solène avait une mémoire visuelle assez développée, alors moins d'être face à un mirage ou de rêver éveillée, elle avait une réelle impression de déjà vu. Elle posa fébrilement sa main sur sa joue, comme pour se persuader qu'il était bien là, face à elle, et déclara doucement :

- Je suis sûre de vous avoir déjà vu.

Son bras retomba telle une plume se poserait à terre. Puis elle se leva du canapé, et se dirigea d'un pas secrètement pressé vers sa chambre. Une fois dedans, elle ouvrit un placard, en sortit un carton qui contenait des affaires ayant appartenues à sa mère, l'ouvrit, et en tira un album photo. Elle tourna quelques pages, et prit quelques secondes pour réaliser ce qu'elle découvrait. Elle sortit une photo du papier cadre plastique et la regarda longuement. Elle rangea le tout, sauf la photo, qu'elle garda dans une main, et revint sur ses pas.

- Vesper, quel âge avez-vous ?

Physiquement il faisait un peu plus vieux qu'elle, mais elle était persuadée qu'il était plus âgé qu'il n'y paraissait. Mais une autre question lui brûlait les lèvres, une question qu'elle ne put retenir.

- C'est bien vous là, non ? Vous avez connu ma mère ? demanda-t-elle en lui montrant la photo qu'elle tenait entre les doigts.

Elle ne savait pas encore ce qui était en train de se passer, mais elle gardait toujours un fin sourire sur le visage malgré tout.

Solène avait l’air tétanisée par le simple fait que Vesper passe son doigt sur sa lèvre. Elle le regardait fixement mais ne semblait pas le voir, comme si elle s’était éteinte. Quand il porta son pouce à ses lèvres, elle regarda ailleurs. Vesper restait aussi silencieux que lui quant à ce geste qui avait été un automatisme pour lui.

« D'ici, et de Norvège. »

C’est en répondant à sa question qu’elle brisa le silence, clignant des yeux et le regardant à nouveau. Le vampire hocha doucement la tête pour signifier qu’il l’avait entendue mais gardait le silence, l’observant. Ils se dévisageaient l’un l’autre, dans le silence le plus total. C’était comme un monde à part, où leurs yeux se parlaient. Ou plutôt où les yeux de Solène tentaient de lui dire quelque chose qu’il ne comprenait pas et où ses yeux à lui se taisaient. Puis la jeune fille approcha son visage du sien sans que Vesper ne recule. Il restait simplement là, et seuls ses yeux allant d’un point du visage de l’humaine à l’autre et sa poitrine se gonflant d’air laissaient savoir qu’il n’était pas qu’une statue. Il ferma ensuite lentement les yeux en sentant la douce main de Solène sur sa joue, pour les rouvrir en entendant sa voix.

« Je suis sûre de vous avoir déjà vu. »

En apparence, on aurait pu croire qu’il n’avait pas assimilé la phrase. Son expression ne changea pas. Le simple contact avec la main de Solène l’apaisait, chassait tout doute. Elle se leva et disparut vers sa chambre. Vesper profita de ce moment de solitude pour soupirer doucement.

*Elle m’a reconnu…*

Il aurait peut-être dû être paniqué, tenter de s’en aller. Pourquoi, il n’en avait aucune idée. Mais au fond de lui, il sentait que restait n’était peut-être pas une bonne idée. Pourtant, c’est ce qu’il fit. Il ne se leva pas, ne tenta pas de descendre le plus discrètement possible, de reprendre ses affaires et de sortir avant qu’elle ne revienne. Il porta à nouveau sa tasse à ses lèvres, attendant simplement le retour de la jeune femme. Elle ne tarda d’ailleurs pas à revenir avec une photo dans la main.

« Vesper, quel âge avez-vous ? »

Il voyait bien que ce n’était pas la seule question qu’elle voulait lui poser. D’un mouvement de tête, il lui fit signe de poser l’autre question.

« C'est bien vous là, non ? Vous avez connu ma mère ? »

Il prit la photo qu’elle tenait et l’observa de plus près. Ça devait bien être la seule photo de lui existante. Du moins, à ce qu’il sache. Katerina aurait bien été capable d’en prendre d’autre sans le prévenir. Il releva les yeux vers Solène, et, la voyant sourire, il sourit aussi.

- Tu étais le plus beau bébé que j’aie jamais vu. Passer du temps avec ta mère et toi était un véritable bonheur.

Il se leva, la regarda longuement dans les yeux et posa sa main sur sa joue, la caressant du pouce.

- Tu n’as fait que t’embellir avec le temps.

Il sourit, et l’attira contre lui, la serrant avec affection dans ses bras. Maintenant qu’elle savait ça, il avait envie de la prendre à nouveau dans ses bras, comme avant.

- Si tu savais comme tu m’as manqué… murmura-t-il.

Si l'on pouvait encore douter qu'une question puisse balancer entièrement le déroulement d'une situation, ils venaient de prouver le contraire à eux deux. Solène avait simplement voulu savoir s'il connaissait sa mère. Au lieu de ça, elle comprenait à présent qu'il l'avait connue elle aussi, petite, toute petite, qu'il avait souvent passé du temps avec elle et sa mère. Et là, elle comprit non seulement pourquoi son visage lui était familier, mais également que c'était lui qu'elle avait souvent vu le soir l'observer après la disparition de sa mère, et avant qu'elle ne déménage en Norvège avec son père. Il y a des évidences absolument indéniables, celle-ci en était une.

Une autre était qu'aujourd'hui, son coeur éprouvait une forte émotion pour Vesper. Ce manque, ce trou noir d'autrefois, qui l'avait rongée jusqu'à la moëlle, comblé en un instant par une étreinte. Une tempête bien plus forte que la précédente. Doute, joie, peur. Cette sensation-là n'était pas celle qu'on aurait ressentie comme celle que procurent les retrouvailles entre un père et sa fille, ni entre n'importe quels membres d'une famille d'ailleurs. C'était plus que ça. Son coeur explosait bien trop pour que ce ne soit que ça.

Un vampire, un ami de sa mère. Son ange gardien... Après dix-sept années de silence et d'incompréhension, Solène le retrouvait, inchangé, et toujours aussi présent pour elle, toujours aussi affectueux et protecteur qu'il l'avait été. Elle aurait pu ne pas comprendre, mais elle comprenait parfaitement. Au fond d'elle-même, elle l'avait toujours su, c'est juste qu'il fallait qu'elle le revoit en chair et en os pour ôter ce voile qui paralysait sa mémoire.

- Je me suis sentie si seule depuis dix-sept ans...

Elle enroula alors ses bras autour de lui, et le serra contre elle. Elle aurait voulu se pincer pour vérifier qu'elle ne rêvait pas, mais elle n'aurait rien senti. C'était comme un véritable songe, un songe très réaliste, où ses sens tactiles n'étaient pas affectés. Mais alors ce ne pouvait être que vrai. Elle laissa échapper une larme de joie. Ce monde dans lequel elle avait tant oeuvré pour parvenir à être heureuse venait en un instant de retrouver une lumière d'espoir. Si Vesper était là, tout irait bien.

- Ne me laisse plus jamais seule, Vesper, plus jamais...

Bon, théoriquement, c'est elle qui était partie. Mais elle avait si mal vécu cette séparation. Et pour cause, son inconscient lui-même avait formé une barrière entre ses souvenirs et son présent, afin que son coeur ne se brise pas entièrement.

« Je me suis sentie si seule depuis dix-sept ans... »

Il sentit avec plaisir les bras de Solène s’enrouler autour de lui pour le serrer contre elle. Il se sentait libéré d’un poids. Le matin-même, il se demandait où elle était, ce qu’elle faisait. Quelques secondes plus tôt, il se demandait comment elle prendrait tout ça. Mais maintenant qu’ils étaient dans les bras l’un de l’autre, tout doute s’était envolé. Il n’y avait plus qu’elle, le reste du monde s’étant évaporé. La douce chaleur de son étreinte avait effacée la froideur du monde dans lequel il évoluait, sa pureté lui faisait oublier la noirceur qu’il cachait au fond de lui-même, et sa présence avait totalement balayée le sentiment de solitude qu’il gardait depuis dix-sept ans. Il se retenait de la serrer plus fort, ne voulant surtout pas l’écraser.
Son monde qui s’était lentement éteint venait de reprendre vie, alors que celle qui avait été le plus beau bébé qu’il lui avait été donné de voir se blottissait dans ses bras.

« Ne me laisse plus jamais seule, Vesper, plus jamais... »

Il appuya son front contre celui de Solène, chassant du pouce la larme qui venait de couler le long de sa joue. Souriant, plongeant ses yeux dans ceux vairons de la jeune femme, il répéta ses mots.

- Plus jamais. Je ne laisserai plus rien t’emmener loin de moi, je te le promets.

Il déposa alors, fermant les yeux, un baiser sur le front de la jeune femme. Mais pas un petit bisou rapide. Non ! Un long baiser venant du cœur, digne des plus grands films hollywoodiens. Une larme coula même sur la joue du vampire. C’était inimaginable, bien plus beau qu’un rêve. Depuis quand sa vie n’était-elle plus destinée à être un enfer ?

*… Depuis que le destin a placé un petit ange sur ma route.*

Quand il posa son front contre le sien, Solène releva les yeux pour le regarder. D'un revers de doigt, il chassa la la perle d'eau qui avait tracé un chemin indécis silencieusement le long de sa joue. Son sourire lui réchauffa le coeur, il l'empêchait même de verser d'autres larmes. Une attitude protectrice qu'elle avait déplorée pendant tout ce temps, comme l'aurait fait un grand-frère, ou encore quelqu'un qui lui aurait été très proche.


Ces mots, les siens, avaient eu un effet salvateur sur tout son être. Le fait qu'il lui promette de ne plus jamais rien laisser les séparer scellait une alliance éternelle, comme une sorte de pacte. Rien n'y personne ne pourrait plus les éloigner pendant si longtemps. On ne l'arracherait plus aussi violemment de ses bras pour la laisser dans un état d'esprit égaré et douteux. La distance n'aurait plus le loisir de s'immicer entre eux. Plus question de milliers de kilomètres, plus question d'incompréhension quant à l'origine d'une telle séparation. Juste une proximité sans failles. Un peu de lui dans le coeur...

Elle ferma les yeux au contact de ses lèvres contre son front. Pendant une seconde elle eut l'impression de manquer d'air, pour ensuite recevoir une bouffée soulageante d'oxygène. Et dans son coeur, des milliers de papillons dansaient en cadance, sur un rythme étonnemment rapide. Une telle vélocité de pulsasions avait de quoi vous troubler. Vesper lui-même la troublait. Il avait l'attitude du père, du grand-frère, et de l'ami fidèle, mais également celui d'un amour éternel. Quatre choix, une seule issue. Et Solène ne savait plus du tout auquel l'identifier. Du moins, les trois premiers lui semblaient être plus plausibles.
Elle resserra un instant ses bras autour de son buste, puis leva légèrement la tête pour poser ses yeux sur son visage. Elle aurait pu passer des heures à le regarder, sans rien faire de plus, juste pour le plaisir de le savoir là, près d'elle.

Vesper venait de laisser une larme dessiner les traits de son visage. Elle porta doucement sa main vers celle-ci, et la balaya doucement. Elle faisait preuve d'une douceur extrème, et d'une grande tendresse. A l'époque, il était seul à chasser ses chagrins, qu'ils soient là par tristesse ou par bonheur. Aujourd'hui, elle était assez grande pour elle aussi lui rendre la pareille. Alors, dans la continuité de son geste, elle caressa doucement sa joue, arborant un sourire à la fois mature et complice.

- Maintenant, je comprends. Je sais d'où venait ce vide qui me rongeait un peu plus chaque jour.

Ses yeux parcoururent chaque trait de son visage, pour se reposer dans les siens. Un sourire toujours sur les lèvres, c'est comme si elle ne pouvait plus détacher son regard du sien. Comme si elle était hypnotisée, et que plus rien d'autre n'avait d'importance autour d'eux.

Il sentit les bras de Solène de resserrer autour de lui, puis plongea son regard dans le sien alors qu’elle relevait la tête. Il la laissa balayer la larme qui avait coulée sur sa joue, étonné de la douceur avec laquelle elle l’avait fait. Il se revoyait presque vingt ans plus tôt la prenant dans ses bras pour la calmer. Avec un sourire et une certaine fierté, il repensa au fait qu’il était le seul à pouvoir la calmer n’importe quand. Lui revenait même en tête une certaine nuit où Katerina l’avait appelé à 3 heures 30 et où il avait simplement suffit qu’il la prenne dans ses bras pour qu’elle s’endorme.

La caresse sur sa joue qui suivit le fit frissonner. S’il avait pu imaginer que ce bébé si adorable pourrait un jour le faire frissonner par une simple caresse…

« Maintenant, je comprends. Je sais d'où venait ce vide qui me rongeait un peu plus chaque jour. »

Elle le détaillait son visage alors que lui ne quittait plus ses yeux. Devenir si belle était un crime. Il appuya délicatement sa main sur la joue de Solène, sentant que quelque chose n’allait plus rond. Il ne pensait plus comme il fallait, se mordant intérieurement la lèvre. Il ressentait des choses qu’il ne devait pas, des envies qu’il ne contrôlait pas. Il appuya à nouveau son front contre celui de la jeune femme, cette fois-ci légèrement haletant.

*Qu’est-ce que tu es en train de faire, Vesper ?*

Il caressait la joue de Solène avec beaucoup d’attention. Beaucoup trop, même… Il se prit à pencher doucement la tête sur le côté, et à approcher ses lèvres de celles de la jeune femme.

*Stop… Stop ! STOP !*

Il s’arrêta juste alors qu’il effleurait déjà les lèvres de Solène des siennes. Non, il ne fallait pas ! Il n’aurait pas dû ! Il n’aurait pas dû la prendre dans ses bras, elle n’aurait pas dû le reconnaître. Il n’aurait pas dû accepter ce café, et elle n’aurait pas dû l’inviter. Il n’aurait même pas dû retourner à la ruelle.

En fait, il aurait fallu qu’il ne rêve pas d’elles.

Etaient-ce ses doigts caressant sa joue qui dessinaient en son corps des allures de tambour ? Ou était-ce son coeur qui la suppliait inlassablement d'ignorer le parfum saisissant de l'aura qu'il dégageait ? Il avait le charme, la douceur, et toutes ces choses qu'un ange gardien vous procure. Mais il y avait autre chose encore. Un sentiment plus profond, plus intime, plus fort qu'un simple amour parental ou fraternel. Et la proximité de ses lèvres n'arrangèrent rien. Car ce n'était pas faute de le désirer comme personne. Sans parler d'un désir charnel, non, elle avait trop de candeur et d'innocence encore. Il s'agissait plutôt d'une envie ardente de se soumettre à son être tout entier, d'accepter l'inévitable, ce crime passionnel qui vous enflamme de l'intérieur, au point de faire exploser votre coeur, qui vous fait chavirer, qui s'infiltre et vous emprisonne sans crier garde, vous invitant à la promesse d'un nouveau jour, d'un nouveau chapitre que jamais vous n'auriez osé écrire...

Ses souffles prirent une allure saccadée, elle commençait à manquer d'air, comme si un poids immense lui oppressait la poitrine. Elle porta une main tremblante sur son bras, et enserra sa chemise de ses doigts mal habiles. Elle ne savait pas si elle devait déplorer ce qui était en train de se passer, ou au contraire s'en estimer heureuse. C'est comme si, quelque part, quelqu'un avait agité leurs fils de pantins de façon à les réunir, un film en avance rapide. Et cette idée de fatalité. Serait-ce ainsi s'ils s'étaient croisés un autre jour ? Il y a certaines choses qu'on ne peut éviter. On ne contrôle pas un coeur qui veut s'exprimer, on ne l'empêche pas de déverser sa passion. Pourquoi s'obstiner à refouler ce sentiment naissant qui grandissait telle Alice qui aurait mangé le champignon magique ? D'un geste mal assuré, elle porta sa main au niveau de son visage, et dans un élan de tendresse, effleura sa peau du bout des doigts, cherchant au plus profond de son regard, l'assurance qu'elle ne s'échouerait pas aux abords d'une île déserte.

A présent, ce n'était plus sa raison qui dictait ses mouvements, celle-ci avait abandonné au moment où son coeur s'était réveillé. Hâletante, ses yeux si expressifs allant des siens à ses lèvres, elle perdit totalement le contrôle. Les quelques milimètres qui les séparaient encore venaient d'être comblés. Ce qui n'était au début qu'un échange de souffles devint en quelques secondes un vértiable contact sensoriel. Ses lèvres s'étaient misérablement échouées sur les siennes, tandis que son regard refusait tout rayon de lumière, sombrant dans un monde à part, un univers aux formes indécises, et à l'avenir incertain.

* Mon dieu... Pardonne-moi... *

Ses paupières se relevèrent, et elle prit conscience de ce qu'il venait de se passer. Ses lèvres s'écartèrent doucement de celles de Vesper, sans pour autant les séparer à distance respctable. Elle aurait voulu s'excuser, lui dire à quel point elle était désolée d'avoir osé s'octroyer une partie si intime de son être, mais elle était incapable de laisser échapper le moindre mot. Son corps ne lui répondait plus, elle était comme l'une des victimes de la Gorgone, complètement pétrifiée. Seul un soupir émana de sa bouche, un souffle bref qui exprimait à la fois le soulagement mais aussi l'incompréhension. Immobile, figée, ses yeux n'osaient plus croiser les siens, de peur d'y voir une lueur qui la blesserait, qui lui ferait comprendre qu'elle n'aurait pas dû. Même si elle savait déjà qu'elle n'aurait pas dû. Qu'elle le sache passait encore, qu'il le lui reproche aurait été de trop. Déjà envahie par tant de sentiments opposés l'un à l'autre, la culpabilité vint s'ajouter au tout. Et intérieurement, elle priait de toutes ses forces pour que son navire ne s'écrase pas en un lourd fracas contre les rochers...

Combien de temps s’était-il passé ? Une seconde ? Une minute ? Plus ? Le temps s’était comme figé, pourtant c’était arrivé si vite… La main de Solène se posant sur son bras puis serrant sa chemise, ses doigts qui le caressaient tendrement, et les yeux vairons qui scrutaient ceux du vampire remplis d’émotions contradictoires. Puis le contact avec les lèvres de Solène qui lui fit tout oublier. Ses paupières se refermèrent d’elles-mêmes sans rien demander. Il sombrait, sa main se crispant sur le vêtement de Solène comme une dernière attache à la réalité. Vesper le charmeur retrouvait là une sensation qu’il n’avait pas éprouvé depuis si longtemps. Depuis combien temps n’avait-il pas embrassé une femme avec une autre idée en tête que celle de finir dans son lit ? Non pas qu’il ait fait ça de nombreuses fois. C’était son alter-ego qui, sa soif assouvie, passait le reste de ses nuits à séduire. Vesper, lui, avait finir par admettre qu’il avait un « charme naturel ». Il ne l’utilisait pas intentionnellement, mais quand il fonctionnait sur des femmes qui lui plaisaient, il ne s’en privait pas.

Mais là, c’était différent. Solène avait beau être très attirante, il n’y avait pas qu’un simple désir dans ce baiser. Et il ne le réalisa vraiment que quand elle s’écarta. Alors, il réalisa dans quel état il l’avait mise. Elle était pétrifiée, fuyant son regard. Et un affrontement de volontés se fit en lui.

Son désir lui disait de l’embrasser à nouveau, de continuer malgré son embarras apparent. Sa raison, elle, lui disait de partir. Vite. Sans un mot, sans un regard. De s’enfuir honteusement pour l’avoir tentée ainsi, pour l’avoir gênée. Pour être sûr de ne pas essayer à nouveau.
Mais la troisième était bien plus forte que les autres : son instinct. Son instinct d’ange gardien avait reprit le dessus. L’ange gardien qui avait toujours été là pour elle, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, pendant plus de trois ans. Cet ange qui voyait sa protégée dans une situation qu’il savait pas particulièrement confortable. Alors, faisant abstraction du fait qu’elle était dans cette situation à cause de lui, et réduisant les deux autres volontés au silence, il la reprit tendrement dans ses bras, laissant cette aura bienfaitrice qui avait eu tendance à se cacher ces dix-sept dernières années refaire totalement surface. Il aurait voulu lui demander pardon de l’avoir mise dans une telle situation, pardon d’avoir succombé à sa beauté. Mais il craignait la réaction de la jeune femme, alors il se contenta de la câliner affectueusement, l’entourant de ses bras protecteurs, la berçant en laissant de petits « sssshhhh » passer la barrière de ses lèvres.

C’était sa manière de la calmer quand elle était petite, l’infaillible, qui mettait fin à n’importe quel chagrin, n’importe quelle colère ou n’importe quelle peur, de celle du noir les soirs à celle de la fameuse nuit où elle avait faillit être enlevée avec sa mère.
Alors oui, Solène n’était plus une enfant. Elle faisait même sa taille à très peu de choses près. Mais il espérait que ça marcherait.

Pendant l'instant que dura ce baiser mal habile, Solène se sentit soulagée, cet échange avait annihilé toute autre chose exitante sur cette terre qui soit autre que Vesper. Les fracas dans son corps s'étaient envolés en un rien de temps. Elle avait été paisible, et en aurait presque ressenti de la chaleur. Seulement, ce ne fut qu'un moment de répit passager. Car aussitôt que leurs lèvres s'étaient détachées, tout était revenu de façon beaucoup plus violente. Si fort que Solène ne put articuler le moindre mot, et qu'elle en fuit le regard de Vesper.

Mais il y avait une chose que même la plus puissante personne au monde ne pouvait pas changer. Une seule chose, que lui seul était à même de faire. Un don que lui seul possédait, et qui avait toujours fonctionné sur elle, du premier jour où elle s'était retrouvée dans ses bras étant petite, jusqu'à aujourd'hui. Vesper l'attira contre lui, et entreprit de la bercer, comme il l'avait fait autrefois. Certes, le temps de son enfance était révolu, mais ce geste avait toujours les mêmes effets sur Solène. Aussi, aux "shhh" que lui souffla le vampire en faisant des mouvements de bras aussi tranquilles que la douce houle d'une vague calme en la tenant, la blondinette se sentit peu à peu appaisée. Les tremblements dont elle était prise s'arrêtèrent, la profonde angoisse qu'elle ressentait dans tout son être s'estompa partiellement, et elle reprit suffisamment contenance pour respirer de nouveau convenablement. Ses bras retombèrent doucement le long de son corps, tentés d'entourer le buste de Vesper de leur tendresse. Au lieu de ça, une de ses mains agrippa une nouvelle fois sa chemise, tandis qu'une perle d'eau salée roulait le long de sa joue.

- Je m'en veux tellement...

Elle avait l'impression de l'avoir souillé, de s'être offert un plaisir interdit alors qu'elle n'y était pas réellement invitée. L'enchaînement avait été tel qu'elle n'avait pas su résister à l'appel de la proximité de ce fruit défendu. C'était comme si elle avait cru qu'un baiser aurait pu le détruire. Le détruire, le faire fuir, et qu'il ne revienne plus. Elle aurait assimilé cela à une véritable mort. Elle n'osait pas imaginer ce qu'il se serait passé s'il s'était enfui.

- J'ai tout gâché, n'est-ce pas, en te volant ce baiser ?...

*J'ai gâché nos retrouvailles...*

Coupable, elle trouva toutefois le courage de relever la tête. Elle devrait bien lui faire face à un moment ou un autre de toute façon. Ses yeux vairons se fixèrent difficilement dans son regard noisette, la bouche légèrement entrouverte, comme si elle cherchait à dire autre chose, sans jamais rien laisser passer d'autre que son souffle.

Comme quand elle était petite, elle fut apaisée. Si en apparence Vesper restait calme, inébranlable, à l’intérieur c’était tout autre chose. À force, il avait appris à contrôler parfaitement ses moindres gestes, expressions, de manière à ne rien laisser paraître. Les rares fois où il baissait sa garde, et se laissait aller, ça donnait lieu à de grands n’importe quoi. Ce qui venait de se passer en était la preuve.
Alors il prenait à nouveau sur lui pour ne rien laisser paraître, comme si ce qui venait de se passer n’était rien. Mais à l’intérieur, il était enragé contre lui-même, enragé d’avoir fait ça à Solène. Seul un monstre aurait pu la tenter comme ça. Un monstre, c’est ce qu’il avait été. Et ce coup-ci, il ne pouvait pas blâmer Dared. Son alter ego était bien calme depuis la rencontre avec la jeune femme.

Solène s’agrippa à la chemise du vampire.

« Je m'en veux tellement... »

*Non Solène. Ne dis pas ça…*

« J'ai tout gâché, n'est-ce pas, en te volant ce baiser ?... »

Cette phrase était de trop. Son visage se déforma dans une expression désolée, alors que Solène relevait la tête. Du pouce, il chassa la larme de sa joue, en profitant pour la caresser avec affection. Elle n’avait pas à se sentir coupable, il était le seul coupable pour ça.

- Tu te trompes. Tu n’as rien à te reprocher. Je suis le seul fautif.

Il appuya une fois de plus son front contre celui de la jeune femme, se forçant à sourire. Même avec les yeux plongés de ceux de Solène, il aurait été dur d’y lire le tourment intérieur. À cause de lui, elle culpabilisait pour ce baiser qu’il l’avait inconsciemment forcée à terminer. Tout ça parce qu’il n’avait pas été fort, soit pour se tenir, soit pour aller le chercher lui-même.

- Arrêtes de t’en faire, c’est moi qui t’ai…

Il n’était même pas assez fort pour finir sa phrase, pour lui expliquer qu’il l’avait tentée, et que sans ça elle ne l’aurait jamais fait. Il soupira doucement. Ce n’était pas avec des mots qu’il pourrait changer tout ça, ou alors il ne connaissait pas les bons mots. Mais il avait trop mal pour elle pour la laisser dans cet état d’esprit.

*Réfléchis pour une fois dans ta vie.*

Il avait bien une idée, mais ça pouvait arranger les choses comme les empirer. Il déglutit, et décida de tenter sa chance. La tenant bien contre lui, il inclina de nouveau la tête, et, cette fois-ci, il ne s’arrêta pas à mi-chemin. Fermant les yeux, ses lèvres allèrent se poser sur celles de Solène avec beaucoup de tendresse, peut-être même un peu plus. La câlinant en l’embrassant, il mit tout son cœur dans ce baiser. Il fallait qu’elle sache que ce n’était pas elle la responsable, mais lui. Que c’était lui qui avait cédé le premier, et qu’elle n’avait fait que tomber avec lui.

Rouvrant les paupières, il rompit le baiser et se recula de manière à voir son visage tout en la gardant contre lui.

- Tu vois ? C’est moi qui ai flanché. Et si je n’avais pas eu peur que tu me repousses, tu n’aurais pas eue à m’embrasser.

Il n’était plus très sûr que ce soit ce qu’il avait voulu dire, mais ça n’avait plus vraiment d’importance. Il avait faillit à son rôle d’ange gardien, en imaginant rien qu’une seconde pouvoir être autre chose pour elle.

Solène posa sa main sur celle de Vesper qui venait encore une fois de s'attendrir sur son visage, et pencha légèrement la tête en maintenant cette main, comme l'on voudrait garder un trésor uniquement pour soi. Le seul fautif ? Non. Il faut être deux lorsqu'un baiser ne vient pas à se briser parce que l'un ou l'autre a décidé qu'il ne devait pas avoir lieu. Vesper n'avait montré aucun signe de recul, certes, mais Solène avait été cueillir ce fruit défendu elle-même. Alors, si coupables il y avait, au fond, ils étaient tous les deux fautifs. Ce n'était pas l'un ou l'autre, c'était simplement eux, ou personne.

La blondinette s'apprêtait à nier ses dernières paroles, lorsqu'il lui fit don de sa voix de nouveau, alors que son front se posait délicatement contre le sien. Vesper ne termina pas sa phrase, et Solène tentait de chasser cette lueur alarmante et alarmée dans ses yeux. Jusqu'à ce que son visage défie de nouveau les lois d'attractivité, ses lèvres s'octroyant les quelques centimètres qui les séparaient encore de celles de Solène. Cette dernière sentit une nouvelle vague d'angoisse l'envahir, mais celle-ci disparut aussi vite qu'elle était venue. Car à l'inverse des quelques minutes qui venaient de s'écouler, le vampire acheva son geste. Elle ne chercha pas à lutter, ni à le repousser, elle n'en avait pas envie. Elle avait autant besoin de ce baiser que lui, pour se rassurer, pour une raison différente. Ses yeux vairons se fermèrent doucement, tandis qu'elle avait de nouveau l'impression de retrouver un second souffle.

Ses joues s'empourprèrent sans excès, juste à dose nécessaire, c'en était même joli. Puis ses paupières se relevèrent, et son regard, ayant pris une nouvelle lueur, se posa automatiquement sur Vesper, qui l'observait à présent.


Il avait eu peur qu'elle le repousse ? Elle n'aurait même pas su dire si elle en aurait été capable. C'était son coeur qui l'avait poussée à échouer ses lèvres sur les siennes, alors, peut-être que c'était son coeur qui était trop fragile. Peut-être même que ces années d'absence avaient fait naître en elle un sentiment qu'elle se devait de refouler, une affection trop éloquente. Et cela avait ainsi provoqué une tentation extrème, qu'elle s'était laissée le loisir d'assouvir sans peine, avec concupiscence.

Elle alla alors loger son visage dans le creux de son cou, pour clore de nouveau ses yeux, et s'ennivrer des effluves de Vesper. Là, elle laissa un soupir d'aise effleurer sa peau.

- Seulement, peut-être que j'attendais que tu le déclenches, au fond...

Son corps était entré en décadence. Ses pulsasions cardiaques battaient à la chamade, tandis que ses respirations, elles, restaient sereines. Apaisée par la moindre parcelle de son corps, que ce soit ses gestes ou son odeur, Solène se prit à laisser échapper dans un murmure, une remarque qu'elle pensait avoir gardé uniquement pour elle :

- Je n'oublierai jamais cet instant...

Il venait de laisser son empreinte au plus profond de sa chair. Ce baiser donné, plus que le baiser volé, tatouait ses lèvres à vie. Et elle gravait secrètement cette image, sachant pertinemment que ça n'arriverait certainement plus.

La teinte que prirent ses joues ne fit que la rendre plus jolie, bien qu’il aurait été difficile de penser ceci possible. Son regard aussi avait changé. Vesper ne savait pas trop comment, et se doutait du pourquoi, mais la lueur dans les yeux vairons était différente.

Lorsqu’il lui dit qu’il avait eu peur qu’elle le repousse, elle enfouit son visage dans son cou. Passant distraitement sa main dans les longs cheveux blonds, il repensa à tout ça. Pourquoi est-ce que ça avait tourné ainsi ? Pourquoi se sentait-il attiré par elle, et en même temps trouvait ça immoral ? Ce n’était pas la première fois qu’il était attiré par une fille de vingt ans. D’accord, ils avaient soixante-dix-sept ans de différence, mais trouver ne personne de quatre-vingt-dix-huit ans encore en vie qui ne ressemble pas à une momie, il n’avait encore jamais réussi à le faire. Physiquement, il avait toujours la vingtaine. Ses traits du visage laissaient au maximum croire à la trentaine, voir toutes ces horreurs qu’il avait en partie commises l’ayant vieillit. Mais pas une seconde il n’avait hésité auparavant avec les autres jeunes femmes. Alors, bêtement, il se demanda pourquoi, sachant pourtant la raison.
Il n’avait pas connu ces femmes étant petites, et était encore moins proche d’elles.

Puis il repensa à sa phrase, et commença à douter de la véracité de ses dires. Avait-il vraiment craint qu’elle le repousse, ou, au contraire, craint qu’elle ne le repousse pas ?

Un frisson le parcourut, le tirant de ses pensées. Il venait de sentir le souffle de Solène contre sa peau. Elle venait de soupirer, et ça ne lui faisait pas du tout penser aux soupirs que l’on avait en étant mal à l’aise.

« Seulement, peut-être que j'attendais que tu le déclenches, au fond... »

Cette phrase lui fit l’effet d’un coup de poignard. Elle signifiait pour lui que Solène avait désiré ce baiser avant que Vesper ne le tente. Cela le conduisait à penser que finalement, il l’attirait aussi. Et dans sa tête, ça ne sonnait pas bon. Il constata alors une chose étrange. Collé à elle, il sentait son cœur battre extrêmement vite. Mais le souffle qu’il sentait dans son cou était tout ce qu’il y avait de plus calme. Pour le souffle, il comprenait. Après tout, il était quand même fier d’être le seul à pouvoir l’apaiser n’importe où, n’importe quand et dans n’importe quelle situation. Mais personnellement, les seules fois où il avait eu le cœur en train de battre aussi fort, sa respiration s’était faite plus laborieuse. C’était entre autre ce qui s’était passé quand il avait couru aussi vite que possible pour échapper aux autorités quand il était encore humain, ou alors quand il avait serré Fred pour la première fois dans ses bras.

Constatation à part : depuis qu’il était devenu vampire, il n’avait plus ressenti ça.

« Je n'oublierai jamais cet instant... »

Son cœur rata un battement pour ensuite battre plus rapidement que la normale. Elle ne l’oublierait jamais… Il resserra son étreinte, et baissa la tête vers elle. Puis, il lui chuchota à l’oreille :

- Crois-moi, je le l’oublierai pas non-plus…

Et sur ces mots, il déposa un baiser dans le cou de sa protégée.

Elle avait l'impression d'avoir totalement perdu le contrôle de la situation. Une ou deux heures plus tôt, ils se retrouvaient en pleine ruelle, visiblement inconnus l'un de l'autre, du moins de ce qu'en croyait Solène, et à présent, ils se tenaient debout dans le salon, enlacés, troublés, après s'être échangé deux baisers. Non, ça n'avait rien de normal, ni de naturel. Tout avait été illogiquement trop vite. Des gestes déraisonnables ne cessaient de se perdre, poussant la tentation à un niveau supérieur à chaque regard échangé. Ce n'était pourtant pas son genre de se laisser aller ainsi. Mais, il y avait une différence, c'était Vesper, l'homme dont l'absence l'avait dévastée pendant tout ce temps. Malgré tout, il restait quand même beaucoup plus vieux qu'elle, il l'avait connue au berceau, portée étant petite, enlacée, et certainement embrassée aussi d'une autre manière, mais cette proximité était due à une attitude paternelle. Là, c'était toute autre chose. Derrière ses sourires, ses regards et chacun de ses gestes, transparaissaient un doute et un besoin autre que le besoin d'un père.

Elle ne savait plus vraiment où elle en était. Sa mère lui avait un jour raconté que quand elle avait rencontré son père, elle avait su que ce serait avec lui qu'elle se marierait en un seul regard. Mais ils étaient tous deux humains, à l'époque. Vesper et Solène dérogeaient-ils à la règle ? Ou bien ce qui semblait être un coup de foudre ne s'appliquait-il que dans le sens de la blondinette ? Et pouvait-on vraiment parler de révélation dans une telle situation ? Enfin, leurs actes avaient peut-être simplement été dictés par l'enthousiasme de leurs retrouvailles après tout, non ? De ce fait, ce serait sûrement une attirance temporaire, et ils ne s'écarteraient plus de droit chemin. Non ? Raaaaah, c'était une véritable torture, autant pour l'esprit que pour le coeur. Un combat entre raison et sentiment. Deux opposés, qui font rarement bon ménage. Maintenant, à savoir si Solène se laisserait de nouveau guider par son coeur, ou si elle retrouverait une lueur de rationnalisme...

C'est vrai, au fond, elle s'était demandée en le regardant, ce que lui procurerait un baiser de cet homme qui l'avait presque vue venir au monde. Une candeur curieuse associée à une curiosité innocente. Enfin, jusqu'à ce qu'elle décide d'obtenir une réponse à cette question. Et bien que non déçue, même pas du tout pour être exacte, cela ne l'avait fait que ramer davantage. A savoir où les vents allaient à présent les mener...

- ...

Ses lèvres dans son cou déversèrent en elle comme une décharge électrique. Son corps fut parcouru de tout son long d'un grand frisson, et sa peau manifesta une chair de poule sans pareille. Ses doigts agrippèrent sa chemise faiblement, comme si... comme si elle déposait les armes et se laissait à présent à la merci de son prédateur. Comme si toute résistance avait été écartée et était inutile. Sans bouger davantage, restant telle, comme une jeune femme aux inquiétudes enfantines, elle demanda simplement :

- Et maintenant ?...

Oui, maintenant, qu'allait-il se passer ? Jusqu'où irait leur ivresse ? Où s'arrêterait leur folie ? C'était toutefois stupide comme question, mais elle traduisait parfaitement l'état d'hésitation et de trouble dans lequel elle était plongée. Comment devait-elle considérer ce qu'il s'était passé ? Qu'était-elle censée comprendre de plus qu'il n'y paraissait ? Devait-elle prendre cela comme une forme atténuée d'inceste, ou simplement comme le résultat d'une attirance mystique ? Tant de questions en deux mots...


[HRP : Eh beh non, je n'avais pas envie de faire débarquer Monsieur Papa le chasseur finalement x) ]

A peine eut-il posé ses lèvres sur la peau qu’il la sentit frissonner. Il sentait sa chemise se faire agripper, et cela ne lui donna aucune autre envie que celle de continuer. Comme ses lèvres, sa peau était très agréable à embrasser. Mais il dut bien arrêter, ne fut-ce que pour respirer.

« Et maintenant ?... »

Maintenant ? Maintenant qu’il avait l’impression qu’elle baissait les armes, il avait envie d’en profiter. De ne plus goûter uniquement ses lèvres et son cou, mais aussi le reste. Il avait envie de faire glisser sa main un peu partout pour sentir le contact avec la douceur de sa peau. D’ailleurs, ses yeux reflétèrent cette envie, et sa main commença à descendre d’elle-même. Il l’attira encore plus contre lui, replongeant sur son cou pour l’embrasser. C’était sûrement mal, immoral, ou plein d’autres choses dans le registre, mais c’était un peu sa faute aussi. Quel besoin avait-elle d’être si attirante ? Pourquoi lui avait-elle donné l’espoir en venant lui chercher leur premier baiser ? Pourquoi avait-elle l’air de le laisser faire ? Son être, ses faits, tout n’était qu’une incitation de plus pour lui, une manière de réveiller son désir. Aussi misérable que ça sonnait pour lui, il avait envie de celle qu’il tenait autre fois dans ses bras. Imaginer son corps le mettait dans tous ses états alors qu’il avait déjà assisté à ses bains. Et il avait beau se hurler qu’il était fou, ça ne changeait rien. Sa nature d’homme, hétérosexuel de surcroit, le poussait à penser à tout ça, a désirer tout ça.
Néanmoins, il parvint à se contrôler enfin, appliquant simplement sa lèvres sur celles de la jeune femme. Déjà parce qu’il en avait envie, et pour justifier son comportement. Sa main s’était arrêtée avant de se poser sur les fesses de Solène, et il parvenait plus ou moins à maitriser ses pensées. Alors il se laissa aller au baiser, caressant la joue de Solène avec tendresse. Il était fier d’avoir résisté à cette envie si forte qui l’avait pris, et ce baiser était en quelques sortes son trophée, sa médaille, sa récompense. Mais il commençait à assimiler qu’ils n’arriveraient à rien comme ça. S’ils s’embrassaient sur la base de sentiments incertains et exagérément neufs – après tout, comment pouvaient-ils prétendre les avoir depuis toujours si Vesper la connaissait étant enfant et qu’il était bien impossible qu’elle ait pu avoir des sentiments pour lui en ayant trois ans. Non, il fallait rester rationnel.
Il la relâcha et recula d’un pas. Là-dessus, il l’observa dans les yeux, et esquissa un sourire.

- Nos retrouvailles auraient sûrement dues se passer différemment, tu ne penses pas ?

Il ferma les yeux, inspira profondément, et les rouvrit.

- Donc je suis Vesper, j’ai quatre-vingt-dix-huit ans, et j’aimerais beaucoup savoir ce qui s’est passé quand ton père t’as emmené loin de moi…

C’était ridicule. Cette situation entière était ridicule. Pourquoi avait-il essayé de l’embrasser ? Pourquoi l’avait-elle embrassée aussi ? En avaient-ils vraiment le droit, lui qui aurait pu être un père pour elle ?

Ses idées étaient confuses, peut-être à cause de leurs retrouvailles, ou bien était-ce l’heure tardive ?

[J'espère que tu me pardonneras de ce post Ô combien... il n'y a même pas de mots pour décrire ça. Mais bon... l'heure...]

Solène se demanda un instant si les deux mots qu'elle avait prononcés n'avaient pas eu un effet contradictoire à ce qu'elle voulait savoir. C'est vrai, en y repensant, si l'on reconsidérait la situation, ces simples mots pouvaient inciter Vesper à s'aventurer davantage. C'était pourtant involontaire de la part de la blondinette. Elle était juste égarée, et sa main accrochée à la chemise du vampire n'était rien de plus qu'une façon de ne pas perdre pied, c'était le dernier haillon qui la raccrochait encore à la réalité.
Pourtant, le regard de Vesper fut soudainement allumé par une flamme nouvelle, une lueur qu'elle se refusait d'interprêter. Et sa main qui glissait le long de son dos lui fit louper un battement de coeur. A vrai dire, à cet instant précis, elle ne respira plus, par angoisse peut-être. Elle avait eu un peu peur de ce qui allait se passer. Elle fut finalement rassurée lorsqu'il se contenta de poser ses lèvres sur les siennes, et sembla retrouver l'air de nouveau. Et toutes ses angoisses furent balayer par la simple caresse sur sa joue.

Après ça, Vesper se recula, et se mit à l'observer. Solène ne put s'empêcher d'avoir les joues légèrement rosies en entendant ses mots. Elle esquissa un sourire embarrassé, et passa machinalement sa main dans ses longs cheveux blonds.

- Oui, certainement...

Elle lui fut intérieurement reconnaissante d'avoir changé complètement de sujet, même si la remarque sur son âge lui pinça légèrement le coeur, comme si celle-ci avait été mise en avant exprès pour lui rappeler que ce qu'ils venaient d'échanger n'aurait jamais dû se produire. Elle se laissa tomber sur le canapé, et entreprit de répondre, une once de mélancolie sur le visage en se rappelant de ce passé :

- Quand Maman a disparu, mon père a décidé qu'il fallait qu'on disparaisse aussi. On s'est installé en Norvège, et puis j'ai grandi. J'ai fait mes années de lycée à Grenoble, et comme j'avais été acceptée dans une école de Paris, on est revenu. Voilà.

Elle ne mentionna pas le fait que son père était devenu chasseur. A vrai dire, elle faisait tout pour ne pas penser au fait qu'il passait le plus clair de son temps à exterminer des êtres innocents qui n'avaient rien demandé de plus que de vivre normalement, comme les autres.
Puis, elle baissa doucement la tête, un faible sourire éclairant son visage :

- Pourquoi tu n'es pas venu me chercher ? demanda-t-elle en serrant un morceau de tissu entre ses doigts. C'était l'écharpe dans laquelle elle avait été enveloppée étant petite, la fameuse nuit.

Vesper s’installa à côté de Solène, faisant jouer une cigarette dans ses mains en la regardant. Ses pensées allèrent à Katerina. Si seulement Solène savait…
Ensuite, il se demanda pourquoi il n’avait pas pensé à la Norvège. Peut-être parce que dans sa tête, ce pays signifiait quelque chose pour Katerina, et pas pour Patrick. En fait, plus exactement, le fait que le vampire soit plus proche de Katerina que de Patrick faisant qu’en associant quelque chose à la jeune femme, il ne pensait pas à l’associer à son mari aussi…

« J'ai fait mes années de lycée à Grenoble, et comme j'avais été acceptée dans une école de Paris, on est revenu. Voilà. »

Son expression était restée neutre pendant tout le temps où Solène avait parlée. Intérieurement, il avait revu la vie de Solène avec le peu qu’elle décrivait. Il en voulait à Patrick Després de l’avoir emmenée loin de lui, de l’avoir fait disparaître à ses yeux. Il s’en voulait aussi de ne pas avoir réussi à arrêter tout ça à la source. Lui, que des décennies de fuite avaient rendu si rapide qu’on le voyait à peine bouger, il n’avait pas été assez rapide pour la sauver…

« Pourquoi tu n'es pas venu me chercher ? »

Vesper afficha quelques secondes une expression de surprise, puis baissa la tête, regardant dans le vide.

- Je… Je t’ai cherchée…

Il releva les yeux vers elle, et les posa sur l’écharpe qu’il caressa du bout du doigt, effleurant les siens par la même occasion.

- Ce soir-là, ta mère m’a fait promettre de veiller sur toi. Et c’est ce que j’ai fait. Chaque nuit, chaque instant où ton père relâchait sa vigilance, j’étais là, tout près, prêt à intervenir.
Mais aussi près que j’étais, je ne l’étais pas assez pour être au courant de tout. Quand vous avez disparus, j’ai eu beau demander, personne ne m’a donné de piste pour te retrouver. Alors, c’est ta mère que j’ai cherché…

Et, d’un coup, il eut un mouvement de recul. Il se demanda s’il avait bien fait de dire ça. Il voyait déjà les questions affluer. Après tout, elle la croyait toujours disparue. Il se demanda si il devait lui dire la vérité, ou lui mentir. Ou mêler des deux…

* Ne me poses pas la question, je t’en prie… *

Ses yeux vairons étaient toujours tournés vers son visage, observant le changement de ses traits lorsqu'elle posa sa question. Il semblait étonné. Pourtant, il n'y avait pas de quoi. C'était peut-être totalement irrationnel à dire, mais le manque qu'elle avait ressenti durant ces années s'était bel et bien envolé lorsque le voile de leur identité avait été levé. Stupide, insensé, incompréhensible. Mais véridique. Ils avaient perdu tellement de temps, à des kilomètres l'un de l'autre. Malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher de songer à ce qu'il se serait passé si elle était restée à Paris. Ce qui s'était passé ce soir ne serait certainement jamais arrivé. Il aurait continué à veiller sur elle discrètement sans que leur relation ne devienne ambigüe et contradictoire. Ils n'auraient pas eu à se sentir, mine de rien, gênés par ce qui était arrivé. Elle n'aurait pas eu à culpabiliser d'avoir tenté l'interdit. En fait, tout cela était la faute de son père ! Ils n'auraient pas mal tournés si ce dernier n'avait pas eu la lubie de changer de pays afin de faire son deuil. Deuil qu'il n'avait jamais réussi à faire au fond...
Non, c'était trop facile de tout lui remettre sur le dos. Après tout, il avait agi en homme. Blessé, dévasté, anéanti. Mais en homme. En père qui avait eu peur pour l'avenir de sa fille, qui s'était mis en tête que partir l'éloignerait du danger, alors que partout, elle serait en danger de part sa maladie. Ironie du sort, ou folie passagère.

Son regard vira de bord lorsqu'elle sentit ses doigts effleurer les siens alors qu'ils se balladaient d'abord sur l'écharpe. Elle les regarda effectuer un mouvement linéaire, et écouta ensuite ce qu'il avait à dire.

- Ce soir-là, ta mère m’a fait promettre de veiller sur toi. Et c’est ce que j’ai fait. Chaque nuit, chaque instant où ton père relâchait sa vigilance, j’étais là, tout près, prêt à intervenir.
Mais aussi près que j’étais, je ne l’étais pas assez pour être au courant de tout. Quand vous avez disparus, j’ai eu beau demander, personne ne m’a donné de piste pour te retrouver. Alors, c’est ta mère que j’ai cherché…

Et rien dans ses mots ne sembla l'étonner, aussi surprenant soit-il. Elle savait tout ça. Du simple fait qu'il soit venu la surveiller dans sa chambre le soir, à la révélation détournée, qui, au fond, n'en était pas une, de la survie de sa mère. Elle releva les yeux sur son visage, esquissa un sourire, puis se mit à fixer le sol. Elle semblait toujours aussi paisible, même si cela était également déconcertant. Son sourire perdit de son allure, mais il resta néanmoins présent sur ses lèvres.

- Elle va bien ?

Si sa première question avait eu le don de le surprendre, celle-ci l'étonnerait certainement encore plus. Mais que pouvait-elle demander davantage ? Lui faire passer un interrogatoire n'aurait servi qu'à accentuer l'atmosphère palpable qui s'était infiltrée dans les murs. Et puis, elle n'était pas sûre de vouloir savoir, elle n'était pas sûre d'être prête à entendre ce que Paris avait fait de sa mère pendant ces années d'errance. Encore aurait-il fallu qu'il accepte de lui répondre. Et elle n'aurait franchement pas parié là-dessus.
Elle releva finalement son visage vers lui, un sourire nouveau au bout des lèvres. Malgré son jeune âge, à cet instant précis, la blondinette paraissait vraiment sage et mature.

- Au fond de moi, j'ai toujours su qu'elle était en vie. susurra-t-elle en déviant son regard vers la fenêtre.

Le sourire qu’elle lui adressa était très déconcertant. Soit elle n’avait pas bien compris ce qu’il venait de dire, soit elle n’avait pas tilté, soit… Soit quoi ? Qu’avait-il imaginé qu’elle ferait ? Qu’elle ouvrirait de grands yeux ronds, en lui demandant si sa mère était toujours en vie ? Incompréhensiblement, le visage du vampire se fit compréhensif quand elle fit ce geste tout à fait inutile de fixer le sol, dans la mesure où il n’y avait absolument rien à y voir. Mais c’était humain, et une manière d’avoir un répit dans l’affrontement de leurs regards.

« Elle va bien ? »

Un tendre sourire se forma sur son visage, et sa main alla se poser sur la cuisse de la jeune femme, la caressant du pouce. Il trouvait qu’elle le prenait très bien. D’un côté, cela ne l’étonnait pas de sa part. Il se demanda comment il avait pu penser qu’elle le prendrait autrement. Après tout, c’était Solène, pas n’importe quelle idiote des films toujours en larmes.

- J’ai mis du temps à la retrouver, et je ne l’ai pas vu depuis quelques années. Mais je ne doute pas qu’elle fait tout pour que tout aille au mieux. Après tout, tu c…

Il s’était arrêté, jugeant que « Tu connais bien ta mère » ne correspondait pas vraiment. Il laissa échapper un soupir, laissant cette phrase en suspens. Et quand elle releva son visage vers lui, son expression le fit retourner des années en arrière. C’était la même que celle de sa mère.

« Au fond de moi, j'ai toujours su qu'elle était en vie. »

* Solène… *

Prenant le menton de la jeune femme entre son pouce et son index, il la fit le regarder. Puis, il l’enveloppa de ses bras protecteurs, l’attirant tout contre lui, la berçant tendrement comme quand elle était petite.

- Moi non-plus, je n’ai jamais cru un instant qu’il ait pu lui arriver quoi que ce soit. Ta mère a toujours été une femme forte, avec un sourire à vous retourner le cœur. Sa vie n’a pas toujours été toute rose, j’en sais quelque chose, mais elle ne s’est jamais laissé abattre. J’ai dû lui apprendre à se confier pour qu’elle ne se fasse pas ronger par tous ses tracas dont même ton père ignorait l’existence pour la plupart.
Mais je sais que le pire moment de sa vie fut d’être séparée de toi, même si elle savait qu’elle te laissait entre de bonnes mains.

Pour la dernière phrase, il ne parlait pas vraiment de lui, n’étant pas particulièrement vantard, ni vraiment de Patrick qui n’avait pas vraiment ce qu’il fallait pour la protéger. La vérité, c’était que Katerina avait laissé sa fille à la garde de deux personnes, et seule une des deux savait qu’elle n’était pas seule à veiller sur la petite fille.

C’était peut-être cette ignorance de Patrick qui avait fait qu’il était parti avec elle.

‹‹ J'ai mis du temps à la retrouver, et je ne l'ai pas vue depuis quelques années. Mais je ne doute pas qu'elle fait tout pour que tout aille au mieux. Après tout, tu c... ››

Elle le remercia du regard de ne pas avoir achevé sa phrase. Même si au fond elle en connaissait la suite. C'était sûrement ce qui lui avait valu ce regard d'ailleurs. Elle ne pouvait pas se vanter de connaître sa mère, puisqu'elle l'avait perdue il y a de celà des années, c'est pourquoi elle se laissa aller contre lui quand il se mit à la bercer en lui parlant d'elle.

‹‹ Moi non plus, je n'ai jamais cru qu'il ait pu lui arriver quoi que ce soit. Ta mère a toujours été une femme forte, avec un sourire à vous retourner le coeur. Sa vie n'a pas été toute rose, j'en sais quelque chose, mais elle ne s'est jamais laissée abattre. J'ai dû lui apprendre à se confier pour qu'elle ne se fasse pas ronger par tous ses tracas dont même ton père ignorait l'existence pour la plupart.
Mais je sais que le pire moment de sa vie fut d'être séparée de toi, même si elle savait qu'elle te laissait entre de bonnes mains. ››

Elle se sentit rassurée par ses paroles, et une esquisse de sourire planait sur ses lèvres alors que ses paupières s'étaient closes. Depuis la disparition de sa mère, elle avait vu son père disparaître lui aussi de jour en jour. Jusqu'à leur retour à Paris, où il avait définitivement perdu son âme. Alors, savoir que sa mère était là, quelque part, la confortait. Parce que dorénavant, elle n'avait plus à se sentir comme orpheline. Un jour, elle la retrouverait, elle en était persuadée. Et elle attendrait sagement que ce jour vienne. Elle ne la chercherait pas, parce qu'elle pensait qu'elle viendrait d'elle-même une fois qu'elle saurait que sa fille était revenue, et une fois qu'elle serait prête. Il faudrait donc qu'elle se montre patiente.

- Après tout, tout vient à point à qui sait attendre... susurra-t-elle alors qu'elle songeait à tout ça.

L'enveloppe de Morphée l'emportait au rythme des bras de Vesper qui la berçait. Jeune demoiselle redevenue enfant, cette nuit promettait d'être riche en rêves et en souvenirs. Elle visualisait déjà le visage de sa mère au loin.

- Je ne sais pas si tu seras là à mon réveil, mais je voudrais quand même te remercier, Vesper... Merci pour tout... murmura-t-elle avant de s'endormir dans ses bras.