Luxuriante nuit. [ Pv Maximus ]

23h30. Cela faisait un peu plus d'un quart d'heure qu'Angeline était arrivée sur les lieux de son travail. Cela faisait maintenant quelques mois qu'elle travaillait de nuit, au " Pussycat Star ", un club assez branché de Pigalle, réputé pour ses show endiablés et ses perles de strip-teaseuses si séduisantes. Angeline était l'une d'entre elles. Mais, elle était différente. En plus d'avoir un physique naturellement alléchant, elle avait un petit plus qui lui permettait de conquérir la clientèle masculine, voire parfois même féminine, qui s'aventurait dans cette antre de la dépravation.

Elle avait enfilé la tenue de son show public, à savoir, un string blanc en dentelle, avec le soutien-gorge assorti, le tout entouré par une espèce de filet qui s'arrêtait en-dessous de ses fesses, semblable aux bas résilles, mais pour le corps. Elle avait chaussé une paire de talons aiguilles à brillants, s'était parsemé le corps de paillettes, et avait posé sur son visage un petit masque qui faisait ressortir la couleur émeraude de ses yeux.
Quelques légers traits noirs pour développer l'intensité de son regard. Et c'était parti.

Minuit.

Et maintenant, merci de faire un triomphe à notre perle italienne, il diamante dil smeraldo !

La musique se mit à résonner, Angie fit son entrée. Arrivée sur la scène, sa main se posa sur la barre, qu'elle contourna en un déhanché, puis se laissa glisser le long de cette dernière. Remontant en cambrant le dos, elle monta sur la barre, tournant autour, puis revint au sol, glissant jusqu'au bord de la scène, vers un homme qui lui glissa un billet.
Puis elle retourna à la barre, et après avoir une nouvelle fois montré l'une de ses facilités à tournoyer autour, elle fit sauter le filet qui l'enveloppait, laissant ses sous-vêtements briller à la lueur des lampes à U.V. qui s'étaient braquées sur elle.
Elle posa son regard d'émeraude sur un homme, brun, un petit sourire en coin, avant de recommencer son petit manège...

Le show continuait au rythme de la musique, Angeline usait de son talent, affichant un regard tout à fait sensuel à tous ceux qui osaient poser leurs yeux dans les siens. Bientôt, le haut de son morceau de tissu fut ôté, dévoilant une poitrine aux formes d'autant plus distingables maintenant qu'elles étaient mises à nue. Les élastiques du reste de ce qui la couvrait furent bientôt décorés de tout un tas de billet. Puis finalement, le spectacle prit fin. Elle disparut de la scène en saluant, sans ôter son masque.

Une fois dans son vestiaire, elle déposa ses gains dans un coffre, enfila une robe très courte, prit son paquet de cigarettes. Elle prit le chemin qui menait vers l'extérieur. Non pas que fumer à l'intérieur était interdit, malgré les lois des années 2000 qui avaient été proclamées, certains bâtiments restaient accessibles aux décharges de nicotine. Il y avait juste une partie de la salle qui était réservée aux non-fumeurs. Au bar aussi, il était permis de consommer une cigarette en même temps qu'un rafraîchissement.
Mais malgré tout, donc, elle sortit dans la cour arrière qui était destinée à ceux qui voulaient prendre l'air sans s'en aller totalement. Dehors, elle croisa un habitué de la maison, qui l'interpella simplement avant de disparaître avec une de ses collègues :

- Magnifique ce soir, Angie, comme toujours !

- Merci Karl, amusez-vous bien. répondit-elle en lui faisant un clin d'oeil.

Puis elle alla s'adosser au mur, voulant allumer une cigarette. La première bouffée fut évacuée en un soupir. Du moins, elle l'aurait été si elle n'avait pas oublié son briquet pour allumer cette dernière.

- Raaah...

Il n'y avait presque personne à l'extérieur, seulement un homme et une femme qui étaient occupés à fricotter. Et un autre homme, seul. Tiens, à bien y regarder, c'était l'un des hommes sur qui elle avait posé les yeux pendant son show. Elle s'aventura à sa rencontre, la cigarette tenue entre son index et son majeur.

- Excusez-moi, vous auriez du feu, s'il-vous-plaît ? Il me semble plus approprié de vous déranger que d'aller gêner ces deux-là. demanda-t-elle en un sourire fin, puis désignant les deux échauffés d'un mouvement de tête.

Elle était vêtue d'une robe courte, dans les tons verts et dorés, et avait troqué ses chaussures à brillants pour d'autres à talons assorties à sa tenue. Ses cheveux étaient relevés, et quelques mèches tombaient de part et d'autre de son visage.

Angeline l'observa se diriger vers le couple qu'elle avait mentionné. Visiblement, il n'était pas fumeur lui-même, puisqu'il n'avait pas de feu. Ou bien il avait lui aussi oublié le sien. Mais elle en doutait. Il n'avait franchement pas la tête de celui qui s'intoxique à la nicotine. Peut-être qu'elle se trompait. Hm.

- Madame est servie.

Elle se laissa allumer, et il est seulement question de la cigarette, et tira une longue bouffée, dont elle recracha la fumée par le nez tout en disant :

- Mademoiselle. Mais, je vous remercie. Je ne vous en propose pas une, j'imagine ?

Elle se laissa aller à le distinguer avec plus d'attention. Grand, brun, regard ténébreux, et plutôt séduisant, il dégageait une certaine prestance assez déconcertante. Esquissant un sourire amusé lorsque le couple vint récupérer le briquet, elle laissa son regard trainer sur eux alors qu'ils partaient, commentant plus pour elle-même que pour apporter une quelconque information.

- Irina, tu quittes le boulot tôt, ce soir.

Puis, comme si de rien n'était, et tirant une fois de plus sur sa cigarette, elle reporta son attention sur le brun. Confrontant son regard au sien, elle s'aventura à engager la conversation.

- Alors, qu'est-ce qu'un homme comme vous peut bien faire ici ? Vous ne sembliez pas dans votre élément.

Levant légèrement un sourcil qui marquait sa curiosité soudaine, elle se prit à le contempler encore une fois. Vraiment, elle se serait souvenue de lui s'il avait été un habitué. Un visage comme celui-là, ça ne doit pas s'oublier aussi facilement.

Ahhh, elle est là ma perle ! lança un vieil homme en s'approchant. Tiens, petit extra, tu peux aller te servir au bar. ajouta-t-il en lui tendant des tickets de conso. Oh, et emmène donc ton nouvel ami avec toi, continua-t-il avec un clin d'oeil, mais ne traîne pas trop non plus !

Angie rit doucement, puis remercia le vieil homme, propriétaire du club, en caressant son crâne dégarni. Il disparut aussi vite qu'il était venu. Elle se retourna vers Maximus, dont elle ignorait encore le nom, et d'un petit sourire à la fois gêné et séducteur, elle demanda :

- Hm, vous êtes accompagné, ou bien je peux espérer vous offrir un verre ?

‹‹ Non en effet, je ne fume pas. ››

- Je m'en doutais.

‹‹ Comme tous ceux qui viennent ici je pense... Oublier la monotonie, et le stress du quotidien...››

Elle doutait sérieusement que la plupart des hommes venant ici y étaient pour oublier les soucis ou bien pour pimenter leur soirée. Il y avait bien plus efficace comme méthode que de venir reluquer des femmes nues. A vrai dire, elle pensait surtout que les hommes venaient pour leur plaisir personnel, pour le plaisir des yeux, et peut-être pour sortir de la solitude, ou de leur ménage quand ils étaient mariés. Mais elle n'eut guère le temps de lui en faire part, et franchement, est-ce que ça l'intéresserait, alors que c'était plus logique que déconcertant ?

Il accepta finalement de partager un verre avec elle au bar, même s'il était accompagné. Elle lui adressa un sourire satisfait, et tous deux rentrèrent de nouveau dans l'établissement.
Ils s'installèrent au bar, Angie préféra rester debout.

‹‹ Maximilien.›› informa-t-il.

- Joli prénom. Angeline. répondit-elle en lui tendant la main.

Il commanda un whisky, elle prit une coupe de martini. Une fois servis, elle tendit sa coupe, histoire de trinquer. Puis elle but une gorgée.

- Alors, Maximilien. C'est la première fois que vous venez ici, n'est-ce pas ? demanda-t-elle sans quitter son éternel sourire.

C'était peut-être hâtif comme conclusion, mais il y avait une raison à cette supposition. Il suffsait de remarquer les regards de ses collègues en petites tenues se poser sur lui avec une certaine envie de se trémousser devant lui.

- Je crois que je suis en train de faire des jalouses, dit-elle en esquissant un sourire espiègle, et s'emparant par la même occasion de l'olive placée sur le cure-dent de son breuvage.

‹‹ Je n'ai pas d'intérêt à nier cette affirmation, alors j'avoue, en effet c'est la première fois que je viens ici.›› avait-il répondu.

- Un ami un peu trop collant qui vous a poussé à sortir alors que vous n'en aviez pas vraiment envie ? enchaîna-t-elle. Ne le prenez pas mal, c'est juste que ça arrive souvent. ajouta-t-elle d'un petit sourire maladroit. J'espère au moins que vous passerez une bonne soirée.

C'était peut-être un peu déplacé de sa part de se montrer si curieuse, mais elle n'avait en aucun cas de mauvaises intentions. C'est peut-être aussi pour cela qu'elle changea de sujet en regardant la rouquine.

‹‹ Je pourrais en dire de même.››

A ses mots, elle regarda un peu autour d'elle. C'est vrai qu'il y avait plusieurs hommes qui la regardaient goulument. D'ailleurs, ces regards lui arrachèrent un frisson de dégoût. Ce n'était pas le genre de regards appréciables, mais qui donnaient plus l'impression d'être prise pour un vulgaire morceau de viande. Angie n'aimait pas ces airs-là, c'est d'ailleurs pour ça qu'elle n'y prêtait jamais attention, et qu'elle repoussait toujours ceux qui avaient de mauvaises arrières pensées en tête.

‹‹ Si j'ai bien compris, vous travaillez ici ?››

Elle se délecta d'une gorgée de son martini, décorant ses lèvres humidifiées par sa boisson, d'un peu plus d'éclat.

- Effectivement, je fais partie du lot.

Puis, posant sa coupe sur le comptoir, elle amena ses mains sur son visage, comme pour former un masque. Fixant dès lors Maximilien dans les yeux, et esquissant l'un de ces sourires qu'elle avait eus sur scène, elle demanda simplement :

- Ca vous rappelle vaguement quelque chose ? Il me semble avoir croisé votre regard lorsque j'étais sur scène...

Alors elle avait vu juste. Le collègue dont il avait mentionné la présence alors qu'ils étaient dehors avait réussi à le traîner jusqu'au club. Sûrement parce qu'il avait jugé que ça lui ferait du bien. C'était fréquent, Angie rencontrait parfois des hommes, ou des femmes, qui, de part leurs problèmes personnels, se laissaient entrainer malencontreusement jusqu'ici. Puis ils regardaient les show, certains, après avoir bien bu, finissaient même par demander un strip-tease en salle, rien que pour eux. Puis ils ressortaient avec le sourire, ayant passé une bonne soirée. Mais la jeune vampire savait très bien que cette allégresse n'était que temporaire. Aussitôt sortis, la mélancolie les rattrapait comme une fatalité, et ils devaient sûrement rentrer chez eux aussi mal, voire encore plus mal, qu'avant de venir. Etait-ce le cas de Maximilien ? Etait-il si préoccupé qu'il avait dit oui à son ami pour lui faire plaisir, en espérant se détendre ? Rentrerait-il rattrapé par ses soucis ? Elle chassa ses pensées de sa tête. Ca ne la regardait pas, c'est vrai, et puis, ce n'était ni l'endroit, ni le moment d'aborder ce sujet.

Elle détecta un peu de surprise sur son visage, sur lequel ses sourcils venaient tout simplement d'exprimer qu'il ne s'attendait pas à ce que ce soit elle.

‹‹ Pour être honnête je me sens particulièrement coupable de ne pas vous avoir reconnue ! ››

Angeline laissa échapper un rire amusé.

- Vous êtes tout excusé. déclara-t-elle d'un sourire, en ôtant ses mains de son visage, et en saisissant de nouveau son martini.

Il sembla ensuite pensif, et elle profita de cet instant de silence entre eux pour achever de boire le liquide de sa coupe, qu'elle reposa une fois vide sur le comptoir. Puis :

‹‹ Et vous êtes ici depuis longtemps ? ››

Elle mit un temps avant de répondre, réfléchissant aux derniers évènements.

- Eh bien, j'ai d'abord quitter Rome pour passer quelques années en Allemagne, puis je suis arrivée en France. Ca doit bien faire cinq mois à présent.

Elle pencha légèrement la tête sur le côté.

- Cela a-t-il une quelconque importance ?

Elle avait posé cette question parce qu'elle avait senti quelque chose de différent tout à coup. Comme de l'angoisse. Et s'il avait remarqué qu'elle n'était pas normale ? La seule façon aurait été de détecter qu'elle usait d'une partie de son charisme accru pour charmer davantage son public. Mais si lui faisait la différence, cela voulait sûrement dire qu'il n'était pas humain, ou bien qu'il connaissait ce pouvoir. Mais même dans le dernier cas, un simple humain n'aurait pas fait de différence... Réfléchir ainsi commençait à lui filer la migraine. Alors, elle ajouta simplement :

- On m'avait que Paris était tranquille, mais il semblerait que ce soit très conflictuel en ce moment.

Ne rien dire sur sa véritable nature. Par le coup de la malchance, elle se trouvait peut-être en face d'un de ces hommes qui croyaient appliquer la parole de Dieu en ôtant la vie à ceux qui n'étaient pas humains.

‹‹ Peut-être oui, puisque ça me permet d'en savoir un peu plus sur vous.››

Le sourire accompagné à sa réponse la laissa perplexe. Il y avait des questions plus pratiques pour en savoir plus sur quelqu'un. Ou peut-être qu'elle était simplement trop sur la défensive.

Elle afficha un air déçu quand il lui dit que Paris n'avait jamais été aussi tranquille qu'on le racontait. Elle qui pensait pouvoir être tranquille ici, c'est vrai que, même si elle s'était toujours débrouillée pour éviter les gros ennuis, elle avait parfois assister ou eu vent de certaines attaques de chasseurs. Elle n'ignorait pas le danger, elle pensait juste qu'il n'était pas si grand que ça. Et pourtant, il était bel et bien présent.

‹‹ Alors vous êtes originaire d'Italie ? Puis-je me permettre de vous demander ce qui vous a attirée dans notre belle capitale ? ››

Elle sonda un instant son regard, puis tourna le sien vers le comptoir, jouant avec le pied de sa coupe vide. Avant de répondre quoi que ce soit, elle demanda au serveur de leur donner la même chose. Aussi Maximilien fut-il servi d'un nouveau whisky, et elle d'une nouvelle coupe de martini. Puis, se délectant d'une gorgée, prenant son temps pour trouver les bons mots, elle porta son regard de nouveau sur lui, et répondit franchement :

- Ma mère croit que je suis morte, je commençais à attirer l'attention en Allemagne, et je pensais que Paris serait plus sûre parce que... parce que c'est ce qu'une de mes connaissances m'avait dit avant que je ne quitte Rome.

Elle avait lâché avec un naturel déconcertant. Qu'est-ce qu'elle risquait après tout ? Au pire, s'il s'avérait que Maximilien était un chasseur, elle pourrait disparaître de nouveau, visiter d'autres contrées. Pourquoi pas l'Irlande tiens ! Elle but son martini d'une traite, puis approcha son visage du sien, allant susurrer à son oreille :

- Et si nous arrêtions de tourner autour du pot ? Vous voulez savoir ce que je suis, j'aimerais savoir ce que vous êtes aussi, Maximilien.

‹‹ Vous vous méprenez Angeline... Je ne veux pas savoir ce que vous êtes. Comme je pense que ce que je suis ne vous intéresse pas tant que ça... Tout n'est pas toujours bon à dévoiler ne pensez-vous pas ? Et c'est la vérité du monde que je suis venu fuir ici, inutile que je la laisse me rattraper...››

Elle n'aurait su dire ce qu'elle ressentit exactement quand il lui répondit sur un murmure aussi sonore que le sien. Un manque d'envie de savoir peut-être et, du soulagement. Oui, elle était soulagée qu'il ne veuille pas savoir. Lever ce mystère qui semblait planer aurait peut-être gâché cette soirée qui semblait avoir bien commencé. C'était sûrement mieux ainsi. Ici, où tout paraissait différent des rues extérieures, où l'atmosphère semblait détachée de tout rationnalisme, comme à un bal des danseuses bacchantes au festival de Dyonisos, être hybride, vampire, chasseur ou humain, n'avait pas grande importance. On ne venait pas pour ôter la vie, on venait pour oublier la sienne le temps de l'ivresse.

C'était peut-être ça qui l'avait confortée dans son choix. Se dire que, quelque part dans Paris, elle pourrait oublier ce qu'elle était, et ce qu'il se passait dans la capitale. Penser que le plus marginal des hommes, en venant ici, était prêt à s'accorder lui aussi le droit de vivre autrement que ce que le destin avait prévu pour lui. Oui, ça avait un côté rassurant.
Et Maximilien semblait visiblement en accord avec ça. Alors pourquoi tout chambouler ?

Elle lui adressa un sourire satisfait.

- Tâchez de la fuir comme il se doit dans ce cas.

Le rythme du club avait changé. Une heure avait sonné, et l'on voyait se former des petits groupes d'hommes et de femmes, qui fricotaient sur les basses de la musique qui défilait.
Elle avisa le verre encore plein de Maximilien, le prit d'une main, et lui tendit la sienne, plantant son regard d'émeraude dans le sien.

- Vous venez ? invita-t-elle simplement.

L'atmosphère s'était visiblement automatiquement détendue lorsqu'ils avaient la clos la conversation sur ce qu'ils étaient. Et tant mieux. Angie passa tout de suite à autre chose. Puisqu'il voulait oublier la réalité de la vie, elle tâcherait de lui vendre du rêve. Enfin, elle allait essayer de faire en sorte qu'il en profite complètement, et qu'il s'amuse.
Elle s'était emparée du verre auquel il n'avait pas touché.

‹‹ Et où m'emmenez-vous ? ››

Après avoir refermé sa main sur celle qu'il avait déposée dans la sienne, elle s'était penchée sur le comptoir, demandant au barman de mettre le verre de côté, mais assez loin de ceux qui seraient tentés de glisser un quelconque produit dedans. Puis, se redressant et posant sur Maximilien un regard malicieux, elle répondit simplement :

- Vous amuser !

Elle avait laissé échapper un petit rire heureux, et l'avait entrainé avec elle vers ce qui ressemblait à une piste de danse. Sans besoin réel de forcer le passage, elle avait lâché sa main, porté son regard vers la cabine du DJ, auquel elle avait fait un petit signe, puis elle reposa son regard sur Maximilien, souriant de nouveau.

Les enceintes crachèrent alors comme un bruit d'alarme, et la salle fut envahie par une musique au rythme entraînant. Tendant une nouvelle fois sa main vers lui, elle dit, espiègle :

- Vous n'oseriez pas me vexer, Maximilien ? Venez danser !

Sans même lui laisser le temps de faire tout le chemin qui les séparait, elle s'était approchée pour saisir sa main d'elle-même... Le tirant doucement vers elle, elle avait effacé le peu d'espace qu'il restait encore entre leur deux corps, et s'était mise à se mouvoir en cadence.

Et effectivement, comme elle l'avait prévu, Maximilien ne refusa pas.

‹‹ Angeline, vous êtes une femme dangereuse vous savez cela ? ››

Elle rit, de bon coeur. Dangeureuse ? C'était bien la première fois qu'on lui disait ça. Alors qu'il la rejoignait sur la piste, elle dit simplement :

- Il faut savoir vivre dangereusement parfois !

Puis elle entraîna Maximilien dans sa danse, lui faisant face pour le moment. Après la première minute, elle prit sa main, et se mit dos contre lui. Prenant sa deuxième main pour croiser ses bras devant elle, elle l'invita à suivre le mouvement de ses hanches, sa tête posée sur le haut de son torse, puisqu'il faisait bien facilement une tête de plus qu'elle.
Quelques regards s'étaient posés sur eux, elle avait fermé ses yeux pour savourer avec plus d'intensité la proximité de son corps qui ondulait au rythme de celui du ténébreux.
Elle les ouvrit un instant et leva la tête pour croiser le regard de Maximilien, en esquissant un petit sourire.
Puis, finalement, la musique prit fin. Elle resta un instant contre lui, jusqu'à ce qu'un air de salsa s'empare de la piste. Dès lors, elle se retourna, posa sa main sur son épaule, puis l'autre dans la sienne. Et c'était parti.

- Je vous laisse mener. annonça-t-elle en souriant.

Maximilien posa à son tour sa main sur sa hanche, et installa le mouvement au rythme des notes de salsa. De son premier enchaînement, il demanda aussi :

‹‹ Vous semblez bien sûre que je puisse vous faire danser sans vous ridiculiser ? Pourquoi ? ››

Pourquoi ? Angie esquissa un sourire, sourire qui donnait l'air d'avoir une réponse logique à sa question. Alors, quand leurs corps se rapprochèrent sous la direction du ténébreux, elle dit :

- Parce que ce genre de danse se doit d'être dirigée par un homme, et parce que je ne danse pas pour les autres, je partage ce moment avec vous seul. Peu importe les pas, tant que la volonté y est.

Ainsi, la jeune vampire venait en quelque sorte de dire que le ridicule ne pourrait pas les atteindre. Et quand bien même leurs pas ne se trouveraient pas adéquats à la musique, cela importait peu, puisqu'il leur restait ces sourires allant et venant sur leur visage. Et ça, personne ne pourrait rien redire là-dessus. De quelque façon qu'elle soit, une danse à deux n'était pas faite pour épater le grand public, sauf en cas de concours ou de représentation. Mais il n'était question ici, ni de concours, ni de show. Ils dansaient simplement, à deux.

- Je dois tout de même avouer que vous êtes un très bon danseur, Maximilien, ajouta-t-elle entre deux mouvements.

Jusqu'aux dernières notes, ils virevoltèrent ensemble. Et quand la musique prit fin, et qu'une autre commença, annonçant sans équivoque le début d'un slow, Maximilien lui adressa un sourire désolé, disant qu'il avait besoin de se désaltérer. Angie acquiesça simplement d'un hôchement de tête. A vrai dire, elle ne se demanda même pas si le grand brun avait prétexté ce besoin ou bien s'il était réellement nécessaire qu'il aille se ravitailler. Elle espérait simplement lui avoir fait passer un bon moment.

- Il vous reste ce verre qui a été mis de côté au bar, vous n'aurez qu'à le demander. Ou bien, vous pouvez toujours prendre un verre d'eau. dit-elle.

Elle hésita un instant, entre l'accompagner, ou bien prendre un autre chemin. Peut-être Maximilien en avait-il assez pour ce soir, et peut-être qu'elle ne devrait pas abuser plus de son temps.

Elle esquissa un sourire à sa remarque sur sa mère qui lui avait appris à danser, puis s'apprêta à le laisser partir. Il la remercia, elle ajouta simplement que ce n'était rien, puis il se dirigea vers le bar. Angie laissa traîner son regard un instant sur lui, sourit une dernière fois, pour elle-même, et prit la direction des loges. Au passage, elle fut interpelée par le patron.

- Dis, Angie, t'as vu l'heure ? Il faudrait peut-être penser à bosser un peu...

Une expression de surprise et un air désolé s'étaient emparés de son visage.

- Haha, je plaisante, va ! Tu peux rentrer si tu veux, je pense que la soirée sera tranquille cette nuit. reprit-il.

Elle lui sourit, le remercia, et acheva son ascension vers les vestiaires. Une fois dans le lieu-dit, elle rassembla ses affaires, ferma son casier à clés, détacha ses cheveux, et reprit le chemin de la salle principale du club. Elle posa son regard vers le bar, mais il n'était plus là. Elle repéra le collègue qui l'avait rejoint lorsqu'il était retourné au bar, et avança vers lui.
Il l'informa que Maximilien était parti, elle était surprise, et déçue, mais n'en laissa rien paraître. Elle le remercia, puis tourna les talons vers la sortie arrière, celle des employés, pensive.

Une fois dehors, elle fit le tour de la bâtisse pour sortir de la petite impasse et arriver sur le trottoir qui donnait accès à l'entrée principale. Elle fit signe à un taxi dont le conducteur semblait légèrement endormi puisqu'il ne réagissait pas. Elle soupira, et regarda autour d'elle, pour voir s'il n'y avait pas d'autres taxis à disposition. C'est là qu'elle le reconnut.
Elle hésita un instant, son regard alternant entre la voiture qui semblait attendre Maximilien, et lui-même. Pendant ce court instant, un taxi arriva à sa hauteur. Elle demanda au conducteur de l'attendre quelques minutes, et se dirigea vers le brun.

- J'ai de la chance, j'aurais pu vous souhaiter une bonne nuit avant de partir. lui lança-t-elle avec un sourire franc.

A vrai dire, elle aurait pu l'interpeler de plusieurs façons différentes. Logiquement, les jeunes femmes demandaient plutôt si leur partenaire de danse comptait s'en aller sans leur dire au revoir. Angie, elle, n'avait pas l'intention de le lui repprocher. S'il partait, il avait ses raisons, et ils ne s'étaient connus après tout que le temps d'un échange assez court au final. Il ne lui devait rien, tout simplement.

Elle fit signe au taxi qui la klaxonna, et reporta son attention sur Maximilien.

- J'ai été ravie de faire votre connaissance, Maximilien.

Nouveau klaxon du conducteur impatient.

- Ca va, j'arrive ! lança-t-elle au taxi, puis se retournant vers Max : Rentrez bien.

Non, elle n'avait pas réellement envie de partir maintenant. Elle aurait aimé discuter encore un peu avec lui, au moins savoir si elle avait pu lui apporter un tant soit peu de délivrance ce soir.

‹‹ Vous rentrez chez vous ? Je peux vous déposer si vous voulez. Cela vous coûtera moins cher qu'un taxi ... ››

- Eh bien...

Bien que légèrement surprise, elle n'eut pas le loisir de refuser sa proposition, puisque déjà, il convoitait l'accord évident de son chauffeur. Angie avisa la voiture du regard. Une belle voiture d'ailleurs. Et le taxi qui attendait, comme s'il venait de comprendre en voyant Maximilien se pencher vers la fenêtre de son conducteur, démarra pour s'en aller en râlant.

Elle s'était apprêtée à lui dire qu'elle ne logeait pas si loin, et que de ce fait, un trajet en taxi ne lui coûterait pas grand chose, mais maintenant que ce dernier s'était fait la malle par manque de patience, elle n'avait plus trop le choix. A cette heure-ci, les métros parisiens étaient à l'arrêt, et rentrer à pieds jusqu'à son quartier n'était pas très conseillé. Est-ce que déambuler seule dans les rues de Paris était conseillé d'ailleurs ?

‹‹ Vous voyez, pas de problème ! Donnez juste l'adresse à Edouard et nous vous déposons avec plaisir. ››

Elle laissa échapper un léger soupir d'abandon au travers d'un sourire passablement gêné.

- Vraiment, vous n'êtes pas obligé.

Puis, le voyant lui ouvrir la portière, elle avança finalement pour s'installer dans la Berlin. Refuser aurait été comme qui dirait impoli, non ? Et puis, elle n'avait pas dit oui immédiatement.

- Bonsoir, lança-t-elle au chauffeur. Edouard, je vous remercie d'avance. Puis se tournant vers Maximilien : Merci à vous également.

Laissant un court instant de silence, elle reprit :

- Je loge dans une petite auberge du quartier de la Goutte d'Or. C'est... dans le boulevard de la Chapelle.